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Chronique du 6 juillet 2011

Je ne te surprendrai pas, ô lecteur, en te disant que le brouillard était à nouveau de mise, en ce 6 juillet 2011, surtout si nous nous sommes croisés sans nous voir du fait de sa densité. J’en rajoute une couche ? Ça dépend de quel point de vue car, dans l’attente de la navette pour l’Île aux Marins, j’avais quand même du mal à distinguer le quartier des Graves. Mais je me suis dit que retourner à l’Île d’entrée (comme on dirait aux Îles de la Madeleine) pouvait fort bien s’accommoder des nuances de gris entre ciel et mer. Et le choix fut heureux ; l’enchantement m’attendait dès le dé(non je ne bégaie pas)barcadère. Je fis une exception à mon ordinaire en optant délibérément pour la droite, une fois dépassé la Maison Jézéquel. Jusqu’au bout du chemin, me suis-je dit, arrêté pourtant avant le phare par des herbes hautes, vu que rien ne semble prévu pour assurer la maintenance des années antérieures. N’est-il pas une tondeuse en rade, faute de moyens pour la réparer ou la renouveler le cas échéant ? On coupe l’herbe sous les pieds de qui ? me suis-je demandé pétri de paradoxe. Entre-temps un bruant des prés m’avait enjumellé sous l’effet de son « tsip tsip » insistant, juché sur un arbrisseau dans les vagues verdoyantes. Mais le terrain de foot superbement taillé permettait, lui, une zone d’atterrissage de choix à un goéland argenté indifférent à mon approche.

Désireux d’oublier sur le banc de galets, les rejets divers du dépotoir voisin de Galantry, gangrène de tous les projets de traitement sans suite qui nous font une belle jambe, je remontai la pente dépressive vers le cimetière dont je n’apercevais alors que la croix au-dessus des moraines, laissant momentanément l’église sur ma gauche. Clo_ture_du_cimetie_re_de_l_I_le.jpg Désarroi de voir les tombes délaissées, et la clôture à l’avenant. Sans doute un élément du patrimoine propre à passer pour pertes sans profit. C’est que, probablement, l’on ne sait plus par moments où donner son coup de lattes. Coup de chapeau par contre pour le chemin de croix qui lui, superbement restauré par de bonnes âmes, permet sans conteste que Jésus crie pour que la caravane (des pèlerins) passe. Une bonne âme, justement, il y en avait une, m’ouvrit la lourde de la grande maison à clocher où les messes d’antan n’étaient jamais dites à la légère sans qu’on n’aille à confesse. Car le curé veillait sur ses ouailles, du temps des années de vie, depuis que l’abbé Guéguen eut impulsé Notre-Dame des Marins. On a beau chipoter avec les histoires de croyances, on peut toujours louer l’imaginaire bâtisseur de ceux qui nous ont précédés. Non ? Nom de Dieu, oui ! La bâtisse est belle. Que serait cette île sans elle ? Un ange sans ailes ? Un repaire sans repère ? Un saint-François sans assise ? Un rocher sans pécheurs. (d’aucuns relèveront que j’ai un défaut d’accent)

Et bien sûr, je me retrouvai (m’étant égaré comme tu peux le constater) au musée Archipélitude où jamais ne me lasse, tant la passion de Marc Derible l’amène à mettre en valeur le fonds de nos origines où l’on se plaît à se ressourcer. Car la visite ne se limite pas au bâtiment principal, superbe à lui tout seul, tant dans sa structure que dans son contenu, toujours en évolution ; « l’Atelier » bénéficie d’une nouvelle mise en valeur. Mes souvenirs se sont revivifiés à la seule vue du magazine de mon enfance, Mécanique populaire, c’est te dire. Et de poursuivre vers la maison Jézéquel pour une pause cafétéria avant la navette-retour. A-t-on pris localement, me suis-je alors murmuré, toute la dimension de l’action essentielle de Saint-Pierre Animation à l’heure où l’on se complaît trop facilement à la mise en exergue du « patrimoine » sans que l’engagement collectif soit pour autant suffisamment à l’unisson ? À l’heure de nos velléités de redéploiement affichées, ne serait-il pas impératif de mouiller davantage sa chemise pour mieux accompagner ceux qui auront su amplement déjà le faire de par leurs initiatives heureuses ? Rien n’est jamais acquis et il serait terrible de pleurer trop tard sur nos essoufflements.

En rentrant sur Saint-Pierre, je me suis ajouté, le brouillard s’étant levé, que le phare de la Pointe aux Canons méritait bien lui aussi un nouveau coup de peinture, à la vue de bâtiments administratifs nettement plus pimpants.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
6 juillet 2011