Dix_contes_de_Noe_l.jpg

Andrée Lebailly, Dix contes de Noël

J’aime les floraisons d’hiver que permettent les livres ; celui d’Andrée Lebailly, Dix contes pour Noël, a retenu mon attention, comme on repère un massif doucettement déposé sur les sentiers de l’imaginaire. Le format en aura sans doute été le premier point d’accroche, écrin de 16*16 cm, au papier agréable, première et quatrième de couverture alléchantes, bonhomme de neige et fenêtre aux carreaux martelés de neige et de givre. Un bel objet que j’ai eu plaisir à feuilleter avant même de le lire, de l’Atelier JJO à Saint-Pierre et Miquelon.

Dix_contes_de_Noe_l.jpg

Qu’on ne s’y méprenne : il ne s’agit pas là de contes pour enfants ; l’écriture digressive demande une accoutumance à un imaginaire adulte. Quête de l’impossible de « la lettre », accomplissement de l’illusoire et pourtant, sérénité enfin trouvée ; le premier conte nous entraîne vers nos montagnes, mornes érodés à la végétation si rabougrie qu’on ne s’y graffigne qu’au ras du sol. Ces contes auront pour la plupart déjà vécu leur vie de récits radiophoniques ; mais le support papier leur donne un souffle différent, incitant nos yeux virevoltants de lecteur à la rêverie.

Je me suis pourléché dans cette histoire de « Curieux Noël » quand soudain traverse le toit d’une église une caisse de homards tombée d’un Transall. De quoi en pincer pour un des fleurons de notre patrimoine militaire, me suis-je dit, mais là est une autre histoire. La lecture ne favorise-t-elle pas les divagations fortuites de l’anarchiste qui sommeille ? Les récits de faux miracles m’ont toujours rassuré.

Antidote bienvenu à l’évocation ici et là d’un microcosme imprégné d’Évangile, inéluctable, si l’on se réfère au liant de l’ensemble, du fait de la période retenue. Il est même un pape qui vient s’immiscer bien malgré lui dans une histoire de patchwork. Sans doute l’opuscule condense-t-il son rythme dans « La ronde de Noël, alors qu’un vaporisateur termine sa chanson et qu’une chouette en faïence ne s’envole… sans hululer. Ne sommes-nous ici dans l’univers du dessin animé ?

Que dans un autre conte, un phare – celui de la Pointe aux Canons – prenne pour quelques heures nocturnes, la poudre d’escampette, un soir de tempête de neige, quoi de plus normal ? Est-ce un hasard si à cet instant trois enfants y trouvent toute leur place ?

Personnages d’ici ou d’ailleurs, dans la transversalité de l’universel, qu’on imagine plus du passé que du présent pour certains d’entre eux, comme La Bédi Bédou, dans le fantastique de l’oscillation entre vie et fixité . Pourquoi ai-je pensé soudain au portrait de Dorian Gray d’oscar Wilde ? Sans doute dans la translation entre portrait et son modèle, ici la Bédi Bédou et un santon aux mêmes traits.

Que le dernier conte – Barbe jaune – ait permis qu’il puisse prendre sa place à la barbe de tous les autres n’est-il pas un signe d’écriture, une invite à la relecture ? Cerise sur un gâteau de Noël, en quelque sorte.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

Andrée Lebailly, Dix contes de Noël. Atelier JJO – 2011 – ISBN : 978-2-906377-12-7

Disponible à la librairie Lecturama