J’ai bien aimé la journée d’aujourd’hui ; Saint-Pierre était masquée ; elle, ma ville, (eh oui, Saint-Pierre est une femme, comme Montréal, aurait pu écrire Jean-Pierre Ferland) est nettement moins drôle quand les masques tombent, surtout en plein hiver. Arrête ton char, me diras-tu ; mais non précisément. Que le roi Bulot brûle en place de grève ne nous renvoie-t-il pas à l’ordinaire ? Sortir de la réserve comme de la cuisse de Jupiter le temps d’une demi-journée ensoleillée à Saint-Pierre et Miquelon ne requinque-t-il pas l’âme ? Tout cela est assez croquignol, me diras-tu, mais c’est de circonstance. Un bal masqué n’incite-t-il pas à entrer plus facilement dans la danse que ces bals des faux-culs dont le quotidien médiatique nous afflige ? As-tu déjà vu un isoloir danser la samba ? Qu’en pense la majorité silencieuse pour qui la meilleure façon de l’ouvrir est de la fermer ? Il est toujours dans le silence des bœufs (gras) des faces de carême qui ne nous reviennent pas, n’est-il pas vrai ? À quels masques sommes-nous soudain majoritairement sensibles ? N’avons-nous pas besoin de l’illusion carnavalesque ? Prends une tête ordinaire, affuble-la d’un grand chapeau bigarré et tu t’écris… « Chapeau ! », bougre d’âne, sans prise de tête.
Se déguiser dans son microcosme, au vu et au su de tout le monde, pour un pied de nez fugitif au conformisme, un élan nécessaire, ersatz des défoulements des temps lointains, le plus souvent ignorés. Prendre la rue, se la réapproprier dans un défilé bigarré, avoir la priorité sur les véhiculistes cloutés, par un jour pétulant de soleil de février glacial sans neige, un régal collectif. La fougue des bénévoles de l’association La Réserve aura joué tout son rôle incitatif, participatif et libérateur. Il est des élans partagés qui narguent momentanément le repli sur soi.
Et puis je verrais bien une élection présidentielle où chaque candidat arriverait masqué. Ah bon ? C’est le cas ?
Henri Lafitte, Chroniques insulaires
21 février 2012