Soirée “Cordes en délire” au Centre culturel

On peut délirer sur des cordes, je te l’accorde ; surtout quand deux musiciens, un violoniste et un violoncelliste s’accordent aussi bien. Deux talents de l’archet et du pizzicato, Antoine Bareil et Sébastien Lépine, de Trois-Rivières, au Québec, venus nous enchanter sur la scène du Centre culturel à Saint-Pierre et Miquelon, en ce 27 mars 2012. Salle comble, dans la foulée des nombreuses occasions de sortie tout au long du mois de mars. Qu’à ce rythme il n’y ait plus de neige, peut-on être surpris ? Il faisait chaud d’entrée, par le choix de la diversité et la simplicité perlée d’humour dans les présentations des deux artistes.

Passacaille sur un thème de Händel, revisitée par un compositeur norvégien, Johan August Halvorsen, en ouverture ; pièce en deux temps – andante et allegretto – du Letton Selga Mence qui nous menait sur les chemins aux mille rêveries possibles, duos du compositeur russe Reinhold Glière, entre gavote et chanson, notamment ; sonate de Ravel aux tonalités électriques de nos temps survoltés ; pièce enlevée d’un compositeur et contrebassiste américain, Edgar Meyer, présentées avec brio sur violon Vuillaume et violoncelle Stradivarius, excusez du peu ! Ce n’est pas tous les jours qu’on peut se livrer aux émotions de tels joyaux.

Nous voilà tous emportés dans un tourbillon d’allégresse tout au long de la soirée, les deux virtuoses prenant soin d’établir un contact éminemment sympathique avec l’assistance qui leur rendait le plaisir par salves d’applaudissements chaleureuses entre les différentes pièces.

Plaisir difficile à transcrire de ces vibrations profondes de deux instruments qui prolongeaient leurs notes de leur sonorité naturelle, pétrie d’amour, quand venait l’instant des deux archets soudain suspendus. Nous avons tous goûté cette fraîcheur et cette joie évidente dans un répertoire ouvert qui nous amenait – surprise finale – à un épilogue électrique, frontières soudain abolies entre musique dite classique et tonalités jazz-rock.

Public ravi, à l’issue d’un concert que l’on aura savouré comme une bonne coupe de champagne, en réalisant soudain que venaient de se dissiper les dernières bulles.

Le duo nous offrait, en guise de consolation, une fantaisie composée par Antoine Bareil, sur l’air de « Mon merle a perdu son bec »… Une minute trente pour s’avouer qu’il faudrait se séparer avec nostalgie des cordes du bien-être.

Henri Lafitte, Chroniques musicales
27 mars 2012