Chronique du 22 avril 2012

« Outre-mer et Amériques ont ouvert le bal de la présidentielle », titrait Le Point en ce samedi 21 avril 2012. Et Saint-Pierre et Miquelon d’avoir l’honneur d’être mentionné par tous les repreneurs de dépêches comme ayant ouvert la voie des urnes.

Certes, et il faisait beau en ce samedi qui voulait que nous allions nous prononcer un jour avant les Hexagonaux. Bonne avancée sans doute ; oublié en effet le temps où, le dimanche, les résultats étaient connus, à cause du décalage horaire, alors que nous défilions encore dans les bureaux de vote en rangs d’oignons. De là à dire qu’il fallait couper les retransmissions de certaines chaînes sur la TNT, c’est sans doute pousser le pointillisme jusqu’au point supposé du crétinisme que l’on semble ainsi suspecter chez tout porteur de bulletin. À croire que nous soyons tous sous perfusion de ce qu’on nous instille sur les écrans.

Mais nous retransmettre en ce samedi de choix la déculottée au tennis d’un Français face à un Espagnol, c’était pas politique, ça ?

Peut-on nous faire prendre des vessies pour des lanternes ? 55,45% des électeurs insulaires que nous sommes seront allés urner ; une grosse baisse par rapport à 2007 ! Sanction parce qu’on aura voulu faire écran à notre intelligence en nous coupant la téloche ? « De nombreux habitants sont partis en vacances chercher le soleil plus au sud », comme le mentionnait Le Point ? ; c’est oublier le nombre important de procurations délivrées. Perception que les voix de notre petite communauté ne pèsent que leur poids de capelan sec (un capelan dans la balance) ? Réponse au fait que pas un candidat ne soit venu sur nos îles pour cette échéance ? Attente du prochain match sur terre battue, à un contre un ? Serions-nous asservis à notre passivité ? Est-ce l’effet du printemps pour laisser chanter les merles ? Une érosion de l’espoir ? Un repli sur soi ? Asservissement à un ordre monarchique ? Fatalisme excentré ? Recroquevillement de la démocratie représentative quand on se sent dépossédé de tout levier ?

Bref, « c’est aujourd’hui dimanche », « voici des roses blanches » ; il est vingt heures en métropole. Et, comme aurait pu dire Aragon, « que ce soit dimanche ou lundi / soir ou matin minuit midi » n’est-il pas plutôt agréable de susurrer à qui veut bien l’entendre : « Nous dormirons ensemble » ?

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
22 avril 2012