“Un gars ben ordinaire” ?

Quoi qu’il en dise, ce n’était pas « un gars ben ordinaire » sur la scène du Centre culturel, le 19 juin 2012, mais un artiste québécois de référence, tant par sa fougue que par son écriture et sa palette musicale. Robert Charlebois sera venu à Saint-Pierre et Miquelon ; le public aura répondu nombreux dans une salle des sports qui aura permis, grâce à tous les travaux d’acoustique effectués depuis quelque temps, un rendu de qualité.

Cinq musiciens sur scène, l’artiste, bien sûr, entouré d’un batteur, d’un bassiste et d’un guitariste, les uns et les autres variant les rôles et les instruments. Robert Charlebois au piano, pour ouvrir la soirée ; belle voix d’un Québec mélodieux s’élevant aux accents de… Lindberg. Un clin d’œil que permet le hasard de la vie dans le contexte des recherches en cours localement sous la houlette de Bernard Decré concernant l’Oiseau blanc, de Nungesser et Coli. Bon, si je continue, je pourrai à mon tour chanter : « ché pu où chu rendu »…

Chansons puisées dans un répertoire que le public était ravi d’accompagner par des applaudissements nourris. Comment ne pas être emportés par cette présence scénique d’un jeune homme qui a cinquante ans de carrière à son palmarès ! « Tu descends de ma cote, on est fait l’un pour l’autre / Moi Tarzan, toi Jane ». J’ai même cru qu’il allait nous faire le grand écart, le bougre. Bonne humeur au rendez-vous et tendresse aussi. J’ai été ému pour ma part à sa reprise de la chanson de Pierre Calvé, « Vivre en ce pays. » Texte superbe, qui mérite d’être ainsi porté, tant cette chanson exprime une universalité ancrée sur une identité forte. « Ceux qui sont partis / Pour chercher une solution / Qui ont promis un nouveau soleil / Un nouveau pays à qui les suivront / Jurent qu’ils seront des milliers et des millions / Quand ils reviendront / Quand ils reviendront »

L’humour était aussi de mise dans un medley reprenant le « pire de Charlebois ». Fichtre ! Ah ! S’oublier dans des ondulations lascives imprégnées de soleil. Clin d’œil aussi avec l’actualité brûlante d’une jeunesse québécoise en contestation ouverte suite aux décisions récentes d’augmentation des droits universitaires : « T’a pas besoin d’crier t’a juste à te t’nir debout / Ça sert à rien d’brailler mais faut qu’t’ailles jusqu’au bout » ; « T’a un gouvernement qui t’vole à tour de bras / Blâme pas l’gouvernement mais débarrasse-toé z’en » ; « T’a rien à perdre vois-tu parc’qu’ici au Québec / Tout commence par un Q pis fini par un bec »

Groupe soudé sur la scène, enchaînements rodés, percutants, soutenue rythmique assurée, envolées guitaristiques maîtrisées ; show huilé qui nous emporta vite vers le « déjà » de la fin. « C’est pas physique c’est électrique »« Je reviendrai à Montréal » s’embarquait déjà dans les souvenirs d’une soirée chaleureuse, voire endiablée dans le maelström sonore avant le rappel. « Ailes d’un ange »

Chanson pour dire en trois minutes trente un parcours de vie ; une passion pour la scène, pour la rencontre avec le public, pour l’amour qui transcende nos vies. Robert Charlebois nous offrit même un texte de… Saint-Augustin. Pas de larme après la séparation, non ; se souvenir des rires et rire encore, en souvenir des moments forts.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
20 juin 2012