Les marées du Père Yvon

Une vie qui commence par des torgnoles à n’en plus finir de la part d’un père tyran. Puis la mer, pour prendre… le large. Ainsi commence la vie d’un futur patron pêcheur côtier de Cherbourg, Yvon David dont les marées font l’objet d’un livre biographique, écrit en partenariat : Les marées du Père Yvon par Yvon David et Catherine Ecole-Boivin. Vie qui démarre sous des auspices douloureux, enfants qui souffrent de la dureté paternelle, deux frères qui meurent prématurément : « Nous avons été laminés parce que le père n’avait pas de cœur. » (p.50)

Au fil des pages se dessine tout un parcours de volonté, d’initiative, de détermination pour une prise progressive de responsabilité jusqu’aux innovations : Yvon David aura fait construire le premier cordier à pont couvert de France. Se diversifier, répondre aux nouvelles exigences de la pêche, du marché…, ne sommes-nous pas en pleine actualité ? Nous sommes alors en 1966. L’Histoire dans son renouvellement inclut aussi sa part de perpétuel recommencement. Ici, « pas de train-train ». (p. 107) Les observations dont nous fait part Yvon David retiennent l’attention par leur acuité. Ainsi en va-t-il du comportement des différentes espèces de poissons traquées, mais aussi de l’attention portée aux hommes à bord, sa « PME flottante ». (p.112)

Confrontation aussi aux errements d’un pays qui aura tout fait pour laisser mourir sa pêche, embûches incessantes sur le chemin de qui a le courage d’être chef de petite entreprise, « absurdités bureaucratiques »… Ainsi cet exemple : « Nous débutions la coquille avec aux fesses des quotas qui étaient donnés pour vingt-quatre heures ! Mais nous ne pouvions livrer journellement du fait de la distance de Cherbourg à la Manche Est, où étaient les gisements ! » (p.193)

Dans un langage simple, suivre ce parcours humain c’est aussi entrer de plain-pied dans un univers professionnel riche de sens pour qui est passionné par la vie des pêcheurs. Approche d’autant plus parlante qu’elle aborde les évolutions récentes – ainsi en est-il aussi du rapport avec les banquiers -, à même de nourrir une réflexion lourde d’amertume (celle d’un patron encore en activité à 70 ans) transposable dans d’autres réalités maritimes.

Ouvrage qui s’achève d’ailleurs par un cri poignant face à l’agonie de toute une profession que ce marin de grande expérience juge sacrifiée sur des autels malsains.

Henri Lafitte, Lectures buissonnières

Yvon David et Catherine Ecole-Boivin, Les marées du Père Yvon – Éditions De La Rue – 2012 -ISBN : 9791090308015

Disponible à la librairie Lecturama