“Saint-Pierre et l’Île aux Marins, Par tous les temps”

Comment fixer l’émerveillement ? Par quelle magie l’âme du photographe se retrouve-t-elle dans un instant suspendu, comme une chiquenaude au temps ? Je suis saisi par l’émotion du partage offert par l’artiste qu’est Jean-Christophe L’Espagnol dans son livre « Saint-Pierre et l’Île-aux-Marins par tous les temps ! », aboutissement d’une longue exploration de l’indicible. « Une photographie, c’est un fragment de temps qui ne reviendra pas », aura écrit Martine Franck, phrase mise en exergue en 4è de couverture. Est-ce à cause de mon propre ressenti de la fragilité que je me suis soudain laissé emporter par la beauté de l’œuvre créatrice ?

Une photo d’art bouscule le terme froid de cliché, transcende le geste crucial du doigt qui soudain appuie sur le déclencheur… d’éternité. Soixante-dix pages de pur enchantement, dans un format très agréable, viennent susciter la rêverie. Jean-Christophe m’aura frappé par sa grande sensibilité, mais aussi par son professionnalisme forgé dans la tourmente de tous les aléas de la vie. Comment ne pas être ravi par cette volonté de témoigner l’inexprimable ? Être soudain sur la rive où les mots ne suffisent plus…

Aller à la rencontre de l’âme de Saint-Pierre et de l’Île aux Marins, au fil des pages, en prenant le temps de pause que nécessite un tel voyage, un régal. Se laisser emporter par son propre imaginaire pour une symbiose vivifiante, privilège de celui qui aura fait le bon choix de suivre l’artiste, dans son exigence de ce qui devient soudain une évidence révélée. Les saisons se bousculent dans une farandole incessante. « Jean-Christophe L’Espagnol est en effet le photographe de la perpétuelle mouvance », écrit fort justement Andrée Olano dans la préface. Magie paradoxale du mouvement… fixé par un capteur de souffle.

Ce livre vient enrichir le patrimoine en marche, disponible pour évoquer nos îles, dans leur beauté, l’inattendu, leurs interrogations aussi. J’aurai été en particulier saisi par la vibration étrange d’un pétrolier côtoyant l’ancien frigorifique figé dans son aura perdue, « comme englués dans l’incertitude… », me serai-je laissé aller à écrire, Jean-Christophe m’ayant ouvert le champ de ma propre rêverie, en quelques mots, sur l’une ou l’autre photo. Nos étoffes provisoires se sont effacées devant l’amplitude des immensités ; un chat à une fenêtre givrée est là, comme une sentinelle d’humanité.

Un tel livre nous explore, au plus profond de notre attachement insulaire, tout en faisant entrer, par-delà Saint-Pierre et Miquelon, dans une dimension universelle, celle du bonheur « esthétique », pour reprendre un qualificatif employé par Andrée Olano. Beau clin d’œil aussi que celui adressé à Jean-Marc Disnard, artiste peintre méconnu « du grand public », comme le précise l’auteur, mais qui nous intrigue lui aussi, d’ores et déjà…

Un écrin qui mérite le voyage de l’enchantement en latence…

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
4 décembre 2012

Jean-Christophe L’Espagnol, Saint-Pierre et l’Île-aux-Marins Par tous les temps !, Max’Images, 2012 – ISBN : 978-2-9543152-0-1

Lancement à la Bibliothèque-Médiathèque de Saint-Pierre, le samedi 15 décembre 2012 de 10h00 à 12h00 et de 14h00 à 17h00

Disponible également à la librairie Lecturama, au Studio Michel Briand et fils et chez Ré-Créations à partir du dimanche 16 décembre 2012