Coups durs, gerçures, disparitions, la mer qui sépare, engloutit, mais la mer qui fait vivre, l’océan qui unit, fraternité forgée par le Grand Métier tel que l’a loué le capitaine de pêche Jean Recher… La venue à Saint-Pierre et Miquelon d’une délégation de Mémoire et Patrimoine des Terre-Neuvas, association de 1300 membres basée à Saint-Malo, sous la conduite de son président Lionel Martin, ancien capitaine, auteur aujourd’hui de nombreux récits de mer, aura permis des retrouvailles chaleureuses, riches d’émotions entre nos pêcheurs et ceux qui traversaient l’Atlantique pour partager la même aventure des Grands Bancs.
Bancs de Terre-Neuve dans sa richesse solidaire, révélée – au sens photographique du terme – par toutes les rencontres qui auront eu lieu, à la Mairie de Saint-Pierre, au Conseil territorial, à la Mairie de Miquelon, au hangar à sel au fond du Barachois, à Saint-Pierre, témoin de notre patrimoine aujourd’hui remis à bon escient à la Société des Marins qui se sera fait une joie d’organiser le pot d’une amitié solide, que seul le salin des corps burinés peut porter dans son identité…
Émotion exprimée aussi à chaque visite dans les différents musées de l’Archipel, à l’Arche, au musée Heritage, au musée Archipelitude de l’Île Aux Marins, alors que désormais le Grand Métier s’inscrit dans l’Histoire. Souci de préserver le patrimoine, de transmettre la mémoire, comme le fait l’association elle-même, heureuse de pouvoir offrir aux visiteurs son musée nouvellement ouvert à Saint-Malo. Convergences de part et d’autre de l’océan pour transmettre aux générations futures le sens du défi à relever, dans la continuité de nos fibres ancestrales ; ne pas baisser les bras, relever le gant… Remettre son caban et larguer les amarres, comme l’évoque François Budet dans Loguivy-de-la-Mer. Tenir bon la barre, coûte que coûte.
L’inauguration le samedi 29 juin 2013 d’un mémorial ceint de galets dédié à la mémoire des Terre-Neuvas disparus, sur le front de mer, aura été un moment fort de la visite de la délégation sur nos îles. Noms répertoriés sur les plaques ainsi déposées pour rappeler le nom des communautés unies dans leurs déchirures. Moment d’émotion lors de la lecture par une jeune de l’Archipel d’une lettre d’un jeune marin à sa mère, lui qui aura assisté au décès de son père sur les Bancs. Moment d’émotion encore, alors que résonnaient les paroles de « L’âme des marins » de Freddie Breizirland, interprétée a capella par un membre de la délégation.
La ville de Saint-Pierre consacrait en ce samedi sa fête annuelle à la mémoire de tous ceux qui auront sillonné les Bancs de Terre-Neuve, pêcheurs et ceux qui portaient assistance à la grande pêche, comme l’aviso Commandant Bourdais. Belle initiative pour nous ressourcer et mettre le cap sur de nouvelles espérances. Convergence des mémoires, diffusion du flambeau de nos âmes portée par une exposition à la salle des fêtes, si belle, que l’indicible même se mettait soudain à rayonner de toute son intensité.
Henri Lafitte, Chroniques insulaires
30 juin 2013