Chronique du 6 septembre 2013

Plus j’essaie de comprendre comment l’Histoire du Nouveau Monde a basculé, plus je suis sensible à l’incurie qui a souvent prévalu dans le rapport de la France à la mer, à ses marins. Aussi ai-je revisité l’épisode de la troisième croisade, à l’été de l’année 1190, rapporté par Charles de La Roncière, dans son Histoire de la Marine (Tome 1).

D’un côté, le roi de France, Philippe-Auguste, de l’autre le roi d’Angleterre Richard Coeur de Lion, alliés pour courir sus aux lieux saints de Palestine. Ils font halte à Messine, en Sicile. « Philippe-Auguste avait vainement imploré de son rival Richard Ier l’aumône de cinq galères. Dès qu’on l’aperçut au large, la population de Messine accourut au devant du grand roi d’Occident. Ô déception ! Une nef entre silencieusement dans le port ; un homme en descend, défait et pâli par le mal de mer qui le travaille depuis son départ de Gênes ; une suite mesquine l’accompagne. Et la populace s’écoule stupéfaite en murmurant : « Comment ! C’est là le roi de France ! » Une semaine après, elle accueillait par des vivats la venue de Richard Coeur de Lion, dont les galères pavoisées, magnifiques, s’avançaient en bataille, trompettes sonnant. Ce qui accrut le prestige des Anglo-Normands, fut leur entrée de vive force dans la ville, en dépit des Français qui craignaient que l’arrivée de tant de troupes n’amenât la famine. » (p.143)

L’histoire ne s’arrête pas là. Ultérieurement, « prétextant son faible état », il veut rentrer en France. « Il était si démuni, en fait de marine, qu’il dut emprunter deux galères à son rival. » (p.148)

Toute l’Histoire à venir du Nouveau Monde n’est-elle pas déjà écrite là ?

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
5 septembre 2013