Chronique du 10 juillet 2014

J’ai attendu un peu avant de la mettre en ligne ; nos îles étaient alors face à un rendez-vous électoral. Je te livre la chronique, à toi lecteur avide d’anti-brouillard.

Alors là, je te le donne en mille, Émile – tu permets que je t’appelle Émile, ô lecteur rousseaussiste dans tes tapotements solitaires sur le clavier ? -, je viens de lire – en me sustentant d’optimisme – un livre dont je te livre (eh oui) le titre qui ne manque pas de sel au kilo pour qui a les fibres imprégnées d’insularité subarctique : Cap sur l’avenir ! A contre-courant, les raisons d’être optimistes.

Bref, ça ne s’invente pas. Mais, comme tu le sais déjà si tu t’es déjà plongé dans ma prose, je suis sensible aux clins d’œil, surtout quand ils te mettent du baume au cœur et non des coups de pied au.. (je te laisse le jeu des assonances)

Je te résume : il y a eu l’Antiquité et l’essor de la Méditerranée, la découverte du Nouveau Monde et l’Angleterre qui a été meilleure que nous – l’Atlantique, elle a su que c’était la porte de son déploiement – ; puis il y a que tout bascule : la Chine s’est réveillée ! Le business inter-continents passe par le… Pacifique.

La France, pendant ce temps, gémit, se lamente, désespère, se mortifère, se flagelle, s’hexagonise. Les journaux nationaux n’en finissent plus de se pencher sur l’interdiction du linge aux fenêtres à Béziers. Bonjour la mise en perspective.

« Homme libre, toujours tu chériras la mer ! » a dit le poète. Et c’est là que le bouquin de te requinque. Pour l’auteur, Christian Buchet, la clef de l’avenir, c’est la mer ! Et nous, à Saint-Pierre et Miquelon, nous baignons dans quoi ? Dans la sinistrose ? Et si l’on regardait ce qui se pointe à l’horizon avec l’ouverture du passage par le nord-est, tu sais là où la glace fond, ouvrant une voie hier inaccessible. Et si l’on regardait la terre à partir du Pôle nord au lieu de nous contenter de voir la planète par l’équateur ? Fais-en l’expérience sur google earth et regarde où se trouve Saint-Pierre et Miquelon.

Au carrefour de nouvelles espérances. Cap sur l’avenir.

Alors, bien sûr, ça bouscule. Mais entre les terriens qui piétinaient pour la défense de leur pré carré et les aventuriers de la mer, on sait ce que l’Histoire a donné. Il y aura eu ici et là des visionnaires, plutôt là, d’ailleurs, chez ceux qui nous ont damé le pion. Tant pis pour notre égo franchouillard.

Se bousculer, réaliser que la planification des certitudes n’est que réécriture de la ligne Maginot, se décentrer, bref, relever les défis, quoi de plus exaltant ? Savais-tu, ô lecteur, que grâce à l’Outre-Mer, « la France dispose de la seconde ZEE (Zone Économique Exclusive, ndlr) de la planète en taille, tout juste derrière les États-Unis d’Amérique » ? (p; 39) Oui ? N’hésite pas à le répéter. Tu auras au minimum un tuyau à partager.

Mais au fait, sur nos îles, ne serions-nous pas devenus… terriens, dans nos replis, dans nos choix, dans nos attentes, notre attentisme ?

« Être tourné vers la mer, c’est s’inscrire dans une dynamique de contacts, d’ouverture et donc de prise de risques » (p.83), écrit Christian Buchet. Ce petit livre nous donne l’occasion de voir comment notre pays n’aura pas suffisamment su prendre en compte son formidable potentiel maritime.

Je lisais récemment un article intitulé : « Saint-Pierre-et-Miquelon : la croissance se situe aussi en Arctique ! ». Tout un programme en effet. Une invitation à la prise de risques en tout cas.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
17 juin 2014

Livre cité : Christian Buchet, Cap sur l’avenir ! A contre-courant, les raisons d’être optimistes, Éditions du moment, 2014 – ISBN : 978-2-35417-263-3