A Saint-Pierre et Miquelon, on l’appelait Jeannot, tout simplement, qu’on le connaisse intimement, qu’on le côtoie occasionnellement ou plus fréquemment. Jeannot, c’était le lien ombilical avec Langlade ; on se remettait à lui dans la confiance qui s’opère à l’ égard de ceux qui ont fait leur preuve dans la régularité de la reconnaissance des autres. Jeannot Cloony a mis le cap vers la grande rive de l’inconnue dans la nuit du 13 au 14 août 2014.
Jeannot c’était le sourire aux lèvres, le clin d’oeil malicieux, celui qui anticipe sur tes attentes, ton appel à service, le bras assuré pour passer du bateau au Zodiac qui t ‘amène à la rive ; il était le connaisseur du moindre soubresaut des vagues ; Jeannot était homme de la mer, un grand, une belle gueule de surcroît. Il aura su apporter des réponses à l’articulation vitale entre Saint-Pierre et Langlade, tant sur le plan du transport que de l’accueil à terre. En touchant l’Anse du Gouvernement, les pieds au sec sur les galets, on se rendait… Chez Jeannot. Sans doute était-il le grand frère de tous, quels que soient les âges ; il comprenait les autres, il était efficace et dévoué.
Quand vint le temps de la retraite, il offrit encore ses compétences au déploiement du tourisme en s’investissant dans des tours inter-îles ; je le revois encore récemment, le Zodiac comble de touristes, alors que j’embarquais à l’Anse du Gouvernement pour m’en retourner à Saint-Pierre à bord du Jeune France. J’ai eu alors une pensée pour cette belle continuité de l’âme insulaire, incarnée par des hommes qui méritent le respect de leurs concitoyens.
Jeannot a largué les amarres une dernière fois, laissant dans son sillage la belle ondulation d’un grand marin.
Henri Lafitte, Chroniques insulaires
14 août 2014