Abdourahman A. Waberi, La Divine Chanson

Se rendre à la librairie L’Archipel des Mots à Vannes, c’est ouvrir la voie de l’enchantement, de la gentillesse, de l’accueil, du partage autour des livres. Quelques mots, le déclic et cap sur une nouvelle découverte. Je m’y suis rendu un jour d’ensoleillement printanier, le jeudi 23 avril 2015. J’ai retrouvé sur le seuil de porte, Joss, la libraire, tout sourire, avec sa voisine, la jeune patronne rayonnante du restaurant Anna et Paul, une table que je te conseille, ô lecteur avide d’une palette de saveurs. J’étais en quête de renouvellement, Joss m’aura suggéré La Divine Chanson d’Abdourahman A. Waberi.

Pour le coup, j’ai été envoûté par l’écriture. Au fil des pages, on finit par entendre la musique, m’a dit la libraire. J’en conviens, parvenu déjà au tiers du roman. Aurais-tu imaginé récit fait par un chat, compagnon de route d’un artiste parvenu au terme de son cheminement terrestre, un Américain, noir qui se sera battu contre la ségrégation, y compris des temps post-ségrégationnistes, dans une actualité qui recoupe notre propre parcours terrestre ? On plonge dans l’univers de « Sammy l’enchanteur ». Sammy, nom de roman pour relater l’aventure réelle de Gil Scott-Heron, grand précurseur du hip-hop entre autres déclics musicaux, quelqu’un que l’on aura qualifié de « Bob Dylan noir », un artiste rebelle, pleine page dans sa marginalité.

L’auteur est né à Djibouti ; je le découvre et j’ajouterai, quelle chance ! L’écriture captive, sort des sentiers ordinaires, musique, vibration de vie intense au fil des pages qui tournoient dans un imaginaire qui devient le tien. Et des observations qui décoiffent, ici coup de caméra sans concession sur la mise à l’écart des Noirs à New York par le successeur du maire Giuliani (p.82), le maire Michael Bloomberg ; nous sommes « à l’aube de 1990 ». Là, condensé de la grande saga des Noirs d’Amérique, autour de Sammy, de son père, de sa mère, de leurs parcours. Regard sur la vie, au cœur de l’essentiel. Un destin trituré comme des notes de blues, baume de vie y compris par-delà les souffrances, dans un voyage au bout de l’être, jusqu’à l’ultime Carrefour.

Et la musique.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
28 avril 2015

Abdourahman A. Waberi, La Divine Chanson, Editions Zulma, Janvier 2015 – ISBN :978-2-84304-732-9