Enchantement de Jazz sous les Pommiers

Comment traduire en quelques mots l’événement musical qui nous aura transportés le jour de l’ouverture de la 34è édition du festival de Jazz sous les pommiers à Coutances, le vendredi 8 mai 2015 ? Une découverte que nous avaient préparée nos amis de Basse-Normandie, une organisation du festival sans faille, public qui s’aligne devant la salle la plus importante des festivités, un gymnase transformé en salle de concerts – entre autres lieux de production -, un coup d’envoi à l’heure pile et… une qualité son-lumière à couper le souffle.

Nous étions prêts pour deux concerts, le premier à 17h30, le second à 22 heures. Entre les deux, un repas dans un petit restaurant en harmonie avec la magie du jour.

Premier concert, les Snarky Puppy et le Metropole Orkest, une soixantaine de musiciens sur scène et d’emblée, la révélation. Le festival nous promettait un « événement ». C’en fut un, assurément. La salle était comble. Quel choc ! Les Skarky Puppy, venus de New York et le Metropole Orkest des Pays-Bas. Je n’aurais jamais imaginé un tel ensemble, une telle force, une telle fougue, une aussi belle créativité. Cerise sur le gâteau, la moindre vibration nous parvenait aux oreilles, cuivres, percus, batterie, piano, synthé, guitares, basse, contrebasse et j’en passe. J’étais retourné de bonheur intense, comme tout un chacun dans la salle. Quelle beauté ! Un entrelacement de virtuosités, une mise en forme digne des plus grandes symphonies, une constellation de rythmes et de sonorités.

Pour marquer la transition, quoi de mieux qu’un petit délice du palais dans un petit restaurant de charme que je te conseille, ô lecteur si tu passes par Coutances. Nous nous retrouvions – ça ne s’invente pas – Côté Saint-Pierre, face à l’église… Saint-Pierre. Si après ça tu ne crois pas aux clins d’oeil de l’inexprimable…

Petite salle et juste à côté de nous… Bireli Lagrene, Didier Lockwood, Darryl Hall, Fiona Monbet… Je conserverai le souvenir du merveilleux contrebassiste nous adressant un sourire enchanté à nous entendre reprendre le final du concert précédent.

Nous voilà de retour dans la salle Marcel Hélie. Organisation impeccable, concert qui débute à l’heure, le public est prêt et, je veux le souligner, aussi beau que les artistes, heureux, tout à l’écoute. Une belle récompense pour les organisateurs. Myriade d’étincelles musicales soudain, archet déployé de Didier Lockwood, Bireli Lagrène, perle de finesse, de subtilités à la guitare électrique, Darryl Hall, virtuose de la contrebasse.

Le trio avait invité une jeune femme, formée à l’école de Didier Lockwood. Soudain entre une fée ; elle rejoint le trio qui nous a enchantés de nouvelles compositions, de Spain et autre Over the Rainbow. S’enclenche alors un dialogue entrelacé entre les deux violons, des passes musicales à quatre joueurs déployés comme des jongleurs de notes, joie débridée, fougue et jeunesse qui transmue les ans. Un Tiger Rag hors de l’ordinaire pour amorcer la magie des échanges.

Les musiciens quittent la scène. Est-ce déjà la fin ? Didier Lockwood revient, violon électrique dans les bras, cette fois pour un feu d’artifices porté par la meilleure maîtrise qu’on puisse imaginer des sonorités qu’ouvre l’électronique, les mémorisations momentanées des structures qui vous transforment un instrument en orchestre complet. Puis Didier Lockwood qui n’est plus sur la scène, mais au milieu du public – il vole de ses ailes magiques, il virevolte, on voudrait rire et pleurer tellement c’est beau -, puis retour sur scène. Autres rappels, les quatre musiciens sur scène, l’enchantement final.

On se retrouve alors au milieu de la foule, la nuit est tombée, le festival a plusieurs lieux de vie, on peut aussi se désaltérer, manger un morceau, le « off » trouve aussi ses modes d’expression. Gobelet consigné en main, on boit un verre et l’on se dit, n’en déplaise à l’esprit de la cathédrale : « Nom de…, qu’est-ce que c’était beau !

Henri Lafitte, Chroniques musicales
9 mai 2015