Trompettes de l’insoupçonné

Est-ce la tête nourrie de souvenirs de chansons dont celle de Gilbert Laffaille, Ici ? « Ici ça sent la terre et le miel de forêt… Ici c’est les girolles qu’on ramasse à la pelle / Pas de boîtes de McDo à côté des poubelles… » Tu ne pouvais sans doute pas m’imaginer au cœur d’une forêt d’automne en quête de… champignons ! Cela m’advint pourtant, dans la Soule, province du Pays basque un jour d’octobre 2015. Et j’ai pu toucher du doigt le bonheur, en furetant dans les feuillages au sol les « trompettes de la mort ».

Quelle joie que de vivre pleinement au beau milieu de saxophones miniatures noirs et gris prêts pour le délice du palais, avec des pâtes quand viendrait le temps de la dilatation des papilles ! Charme des noms trompeurs. Trompettes de plaisir ! Tu hallucines Eugène ? J’aurais pu t’appeler Emma, d’ailleurs, car tu n’as pas l’exclusivité de la masculinité, ô lecteur mycologue ou musicologue, comme il te plaira.

Trompettes de la mort, girolles clairsemées. Mais aussi… cèpes propres à libérer ton enthousiasme des recoins insoupçonnées de ta glaise intérieure. Le temps poursuit son vol mais tu n’es plus là à le scruter ; tes yeux sont au ras du sol, rayonnants d’humus automnal. La surprise est grande quand tu réalises qu’il faudra déjà rentrer. Une dernière recherche avec ton bâton de pèlerin sur un sentier détourné du chemin de Compostelle. La voiture t’attend pour te ramener à ton ordinaire. Bientôt tu chanteras encore, mais une part de toi est devenu mycélium dans le grand cycle de la vie.

Le soir venu, les pâtes aux trompettes te transporteront à nouveau dans le secret des bois.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
23 octobre 2015