Le carnet retrouvé de monsieur Max

Je porte dans la mémoire des minutes intenses – elles en firent même des heures, sans que je m’en aperçoive – au Memorial de Caen le dimanche 8 novembre 2015, à écouter deux conférences, Didier Daeninckx tout d’abord, puis lors de la séquence suivante, Bruno Doucey venu nous parler du Carnet retrouvé de monsieur Max.

L’auteur-éditeur aura voulu donner vie aux dernières semaines de vie de Max Jacob, réfugié à Saint-Benoît-sur-Loire en 1944 pour avoir été condamné à porter l’étoile juive, puis enfermé à la prison d’Orléans, et au camp de Drancy enfin où il mourra comme tant d’autres poursuivis par la folie hitlérienne et collaborationniste. Bruno Doucey nous aura prévenus, il a fait œuvre de fiction, en ayant pris soin toutefois de coller au plus près aux faits, incrustant dans le déroulé des textes originaux en italique. J’aurai été saisi au tripes. Être sur le fil de la poésie au bord du gouffre, une nouvelle fois, comment traduire l’émotion devant le courage en écriture ? Comme Didier Daeninckx, Bruno Doucey sait nous emporter dans un vécu douloureux pour qu’à notre tour nous puissions résister contre toute dérive totalitaire, l’impensable se cachant toujours dans l’embrasure de la croyance en l’impossible. Ne vivons-nous pas dans un monde tourmenté, déchiré ? La « vie finit dans le noir » (M.J. P.105) pour tant de gens sur la planète !

Max Jacob est né à Quimper, en Bretagne. Vie mouvementée, éloignée de toute conception mystique. Survint pourtant un jour le désir de conversion au… catholicisme. 

Mais les temps étaient sans concession sur les origines ; Max Jacob s’est vu catalogué, étiqueté, épinglé, comme… Juif. Etoile jaune de la désespérance. Et la mort au bout du chemin. Bruno Doucey nous fait entrer dans une intimité sensible, riche d’humanité, celle d’un poète éloigné des déchirures politiques. Il n’échappera pas à l’abjection des années terribles de la Shoah.

14 novembre 2015 – A l’heure où je reprends ces lignes, l’horreur a frappé Paris. Hier, hasard des télescopages, je me suis procuré un livre d’idéal en poésie, aux éditions Bruno Doucey : « Guerre à la guerre ».

Max Jacob est mort au camp de Drancy le 5 mars 1944 avant d’être déporté vers un camp d’extermination. Je me suis pris à rêver, au terme de cette chronique, d’une humanité nourrie du « pain de l’amour et de la poésie ». (p.175)

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
14 novembre 2015

Bruno Doucey, Le carnet retrouvé de monsieur Max – Editions Bruno Doucey – 2015 – ISBN : 978-2-36229-083-1