Les guerres du président

Déjà j’étais perplexe, critique même du temps de Sarkozy. Il y avait anguille sous roche quand celui-ci aura décidé de s’en prendre à Kadhafi. Depuis, la Lybie est déstructurée, déstabilisée, au coeur de la tourmente. Puis vient François Hollande, le « marhsmallow », comme je l’ai vu qualifié dans le quotidien anglais The Guardian ; c’était sous-estimer le costume présidentiel qui blinde les plus nuancés. Porter le fer quand on n’a plus la main sur l’ordinaire de la vie de ses concitoyens… S’y ajoute la tradition française d’immixtion dans les affaires extérieures, en Afrique aussi, mais tout autour du Bassin méditerranéen, sans remonter aux calendes grecques, tout au long du XXe siècle. N’est-il pas curieux, dans l’espace européen, que la France se sente investie d’une priorité dans la lutte sur de nombreux terrains extérieurs ? Nous sommes en guerre, nous aura assené le président. Et l’état d’urgence a été décrété.

J’ai cherché des éclairages dans le livre de David Revault d’Allonnes, grand reporter au Monde, Les guerres du président. J’y ai trouvé le déroulé d’une logique implacable, découvert un fonctionnement plus complexe qu’il n’y paraît, touché du doigt, au fil des pages, l’ampleur des enjeux. Mais il me faudra chercher ailleurs les tenants et les aboutissants des grands bouleversements en cours au Proche et Moyen Orient. Il n’est que des analyses approfondies qui puissent nous permettre de mieux comprendre le maelström dans lequel nous sommes, ne nous en déplaise, emportés. Cela nécessite une exploration diversifiée.

L’ouvrage du reporter est paru juste avant les derniers attentats de Paris ; les derniers chapitres les annoncent ; à lire ces lignes après coup nous fait frémir. L’implacable n’était-il pas inéluctable ? Il serait naïf et suicidaire de se croire à l’abri. Comment porter alors les messages d’espoir dans l’humanité ? Défi toujours renouvelé, sans cesse actualisé ; bien malin qui a la réponse toute faite. Se mobiliser encore et encore sur le chemin de l’humanisme, en surmontant les tentations de l’immédiat… Une philosophie, sans doute, qui ne vas pas sans tourments de la conscience.

Le fil conducteur du quinquennat n’est désormais plus le même. Répondre aux exigences de sécurité s’est imposé comme La priorité. François Hollande s’est forgé une stature. Il faudra demain des personnalités à même de répondre à des rendez-vous brûlants. Dans ce contexte, l’ordinaire du Landerneau politique est souvent affligeant. La démocratie n’est-elle pas bousculée dans ses fondements ? Que sont les débats de société devenus ? A quoi se résume l’essentiel de la presse audio-visuelle aujourd’hui ? Comment dépasser les réflexes à l’emporte-pièce facebookés ?

« Une envolée de rimes contre une armée de chars / Quoi de plus dérisoire », chante Georges Chelon.« Quand on n’a que l’amour », chantait Jacques Brel. Mais l’Homme dans son essence même en est-il capable ?

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
30 novembre 2015

David Revault d’Allonnes, Les guerres du président, Seuil, 2015 – ISBN : 978-2-02-122293-7