La Rose et Le Bleuet, au Centre culturel

S’imprégner d’une page tourmentée de notre histoire, de 1778 à 1816, c’est ce à quoi t’invite La Rose et le Bleuet, pièce d’Anaïs Hébrard, écrite en collaboration avec Anne-Françoise Kavauvéa. Saint-Pierre et Miquelon, îles en proie aux déchirements entre Anglais et Français, amours impossibles entre deux jeunes de camps opposés, jeunesse condamnée au flétrissement prématuré de l’espérance…

Gageure que de condenser tout cela en une pièce alerte. Mais le défi aura été relevé, entre souffle ancestral du Nouveau Monde, terre des Indiens aborigènes et descendants des pêcheurs de morue, fixés soudain sur quelques arpents rocheux entre ciel et mer. Sujet sérieux donc mais subtilement dosé avec l’humour nécessaire pour contrebalancer un sujet difficile. La palette des personnages est variée et l’on est transporté entre émotion et rire bienvenu.

La beauté des costumes, œuvre de Jean-Jacques Oliviero, suscite l’adhésion. Travail remarquable qui donne déjà consistance et chaudes couleurs à la réalisation. Chapeau bas, monseigneur ! Sans doute est-ce la dimension qui m’aura fait oublier d’entrée de jeu l’ordinaire de l’hiver. Mais j’aurai été frappé très vite par la prestation de la jeune Juliane Anger, impressionnante de maîtrise et de subtilité dans le rôle principal de Jeanne, la jeune Saint-Pierraise éprise soudain du soldat anglais qui vient pour le grand « dérangement » de sa famille. Le déroulé du récit principal aura trouvé aussi son rythme dans le surgissement de personnages historiques, de François Ier à Napoléon, interprétés avec brio par Sylvain Leurot. Costumes époustouflants, clin d’œil vif sur les personnalités de tous ces Princes qui décidèrent de notre sort… Les enfants présents dans la pièce, Chirine Bouvier, esprit de la dernière Indienne Beothuk, Enguerrand Leurot, frère de Jeanne dans la pièce, d’un naturel à couper le souffle, rayonnaient de fraîcheur et de maîtrise de leur jeu. J’aurai éprouvé une grande joie à suivre Séverine De Lizarraga, convaincante et bien dans sa peau dans le rôle de la sœur de Jeanne, emportée dans le flot d’un destin qui frappait une colonie de gens valeureux, éloignés des fastes de Versailles.

C’était soir de première, mardi 15 mars 2016 au Centre culturel et sportif. Nous étions envoûtés par le chaman d’un passé de meurtrissures, – belle prestation que celle de Janick Detcheverry – saisis par la détermination de cette poignée d’êtres humains – de « froggies » comme disaient les Anglais – qui auront lutté contre vents et marées pour nous donner… naissance.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
17 mars 2016

Dates des représentations – à 20h30
Mardi 15, vendredi 18 et samedi 19 mars.
Mercredi 23 et vendredi 25 mars.
Mardi 29 et jeudi 31 mars.