Alain Mabanckou, Le monde est mon langage

J’aime les livres qui permettent de se décentrer. Le monde est mon langage d’Alain Mabanckou est de ceux-là. L’auteur est un écrivain congolais établi en Californie ; je l’ai découvert il y a quelques mois dans une interview télévisée ; il m’avait accroché par la profondeur de ses points de vue. J’étais donc déterminé à mieux le découvrir.

Sa démarche est ici originale. Dans sa quête humaniste de passerelles entre les identités, dans la recherche de ce qui rassemble dans « l’aventure humaine » dans un monde bouleversé, le nôtre, déchiré, cloisonné, Alain Macbanckou nous fait part de ses réflexions au fil de ses voyages et de ses rencontres, langue française chevillée au corps, fibre essentielle de son écriture.

Réflexions sur la « négritude », sur « l’antillanité », la « créolité » et son risque de fermeture, la « créolisation » de l’ouverture, sont au rendez-vous de ce parcours dans des contextes multiples, à même d’ouvrir notre regard sur le monde, les différences, les affirmations nécessaires, les convergences vitales. Le ton est empreint d’humilité, ce qui accroît l’intérêt du témoignage.

Les chapitres sont construits autour d’un déplacement ici et là, Louisiane, Angleterre, Argentine, Cameroun, Québec, Algérie, Madagascar, Gabon… A chaque étape, des personnages, des écrivains et des vécus riches d’espérance contre toutes formes d’adversités, nombreuses il est vrai. Ne pas baisser la tête, et le courage en faveur de… la vie, telle est la leçon qui se dessine.

« Comment échapper à la destruction par la création artistique ? » (p.217) N’est-il pas là, au détour de réflexions multiples, sujet à réflexion dans notre propre contexte insulaire ? La recherche sur soi se joue des frontières quand on met le cap sur l’espérance.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
21 décembre 2016

Alain Mabanckou, Le monde est mon langage – Grasset – 2016 – ISBN : 978-2-246-80219-8