Quel parti pour le (la) marié(e) ?

Les primaires de droite et de gauche, c’est comme les mariages dans les familles bourgeoises d’il n’y a pas si longtemps. On décidait pour la mariée, histoire de choisir le meilleur parti. Mais voilà, l’impétrante voulait souvent mettre les adjas avant qu’il ne soit trop tard, retrouver l’air pur de la liberté, croire à l’amour en quelque sorte, virevolter des gambettes.

On a voulu marier le « peuple de droite » à Alain Juppé ou à Sarkozy ; et c’est Fillon qui a eu la préférence ; on a voulu Valls pour le « peuple socialiste » et c’est Hamon qui a suscité le coup de palpitant.

A force d’être cocufié, le peuple de droite ou de gauche a décidé de voler de ses propres ailes, du moins en apparence, avant de se trouver, souffle court, au bras des futurs cocufiants.

Dans les salons feutrés de droite et de gauche flotte comme un parfum d’incompréhension. Ah bon ? La mariée était trop belle ? Elle avait besoin d’une part de rêve ? Etonnant, non ? On lui promettait monts et merveilles pourtant… C’était oublier l’attrait du grand air, de l’horizon qui aspire, du goût du sel de l’aventure sur les lèvres avides.

Plus question qu’on lui fasse des enfants dans le dos, dit le peuple. C’est vrai, on n’était plus habitué à ce qu’il prenne la parole en démocratie, le (dé)culotté. Alors, je comprends qu’ils soient décontenancés ces héritiers des porteurs de rouflaquettes à rubans, aussi lisses aujourd’hui que la tête d’Eric Ciotti !

Ce qu’il désire le peuple dépucelé, c’est désirer, même s’il ne se fait pas trop d’illusions car il a appris à lire et que les contes de fées, on lui en a raconté dès le berceau. Il en a marre, par contre, qu’on les lui brise d’entrée ; il veut ces espaces d’insouciance qui donnent un peu de respiration dans un air trop souvent pollué ; il veut entendre les hirondelles, même dans son univers trop souvent bétonné ou dans ses champs nappés de pesticides.

Il ne veut pas se trouver trop vite marron comme Verlaine, pleurant derrière les barreaux :

« Qu’as-tu fait, ô toi que voilà

Pleurant sans cesse »

Souhaitons toutefois que tout cela ne se termine pas comme dans La maison du Chat-qui-pelote, de Balzac où la belle émancipée se grille les ailes et meurt défaite. Faudrait-il alors pleurer sur cette épitaphe : « Les humbles et modestes fleurs, écloses des les vallées, meurent peut-être (…) quand elles sont transplantées trop près des cieux, aux régions où se forment les orages, où le soleil est brûlant » ?

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

30 janvier 2017