AVE Paris

A 1250 euros la liaison directe Saint-Pierre-Paris, qui veut jouer à pigeon-vole ?

Telle pouvait être la conclusion du sujet abordé au cours du journal télévisé du mercredi 22 février 2017 au sujet de cette perspective de liaison qui fait débat depuis la mise en place de l’AVE (Maria) au Canada, occasionnant des tracasseries pour un certain nombre de nos concitoyens devant se rendre en métropole. Une étude aura donc été diligentée par le Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer (et de la stratosphère ?) pour nous donner éventuellement des ailes nouvelles et son résultat terre à terre porté récemment à la connaissance du public.

Il en résulte que le scepticisme ne peut que prévaloir ; Benoît Olano, pilote-PDG de la compagnie Air Saint-Pierre, ne pouvait que souligner les impasses. Bref, en-dehors du bec verseur pour le kérosène qui pourrait faire défaut pour un avion autre que l’ATR42 ou de l’inadéquation de l’aérogare pour accueillir une centaine de passagers (étroitesse de la partie accueil – tapis roulant pour les bagages), la mixité qui serait inenvisageable fret-passagers, on peut estimer sans prendre trop de risques dans la prospective que la faisabilité de la liaison aérienne directe avec la métropole a du plomb dans l’aile.

On peut se poser des questions en effet quant aux tenants et aux aboutissants de l’expérimentation prévue de 8 vols pendant une saison strictement estivale. Comment imaginer que l’on puisse attirer chaque fois 100 passagers dans un sens et dans l’autre si telle est la barre minimale ? Quelles observations peut-on escompter quand plusieurs paramètres sont escamotés ? Si d’aventure l’avion doit faire une escale technique au Canada (comme cela s’est fait au cours de l’hiver avec un vol de fret), on peut également s’interroger sur les avantages, sans oublier la concurrence alors induite avec la ligne ordinaire. A 1250 euros le billet (alors que la cherté du billet fait partie des obstacles au développement), il y a pour le moins du mou dans la corde à nœuds.

Passons sur le fait que l’étude peut engendrer d’autres formes de perplexité : pourquoi n’avoir envisagé que Paris et non d’autres aéroports comme en Bretagne, histoire de comparer les différences de coûts induites par les frais liés aux aéroports eux-mêmes ? L’étude ne trimballe-t-elle pas un goût d’incomplétude ?

Mais la connaissance de la clientèle de la part de la compagnie et ses différents points de destination méritent en effet réflexion. Il est des effets de seuil qui peuvent faire sens dans un développement touristique ; celui-ci ne peut se réaliser – sur le plan aérien – que si les tarifs sont accessibles. Pour cela une nouvelle approche est souhaitable de souligner Benoît Olano car la subvention d’équilibre de l’Etat (sœur) intervient en complément d’un montant imposé du ticket forcément gagnant présenté au client. Il semble donc qu’on s’oriente vers un glissement sur le tarmac de la réflexion pour ne pas se limiter au seul questionnement quant à la liaison avec la métropole mais plutôt travailler sur les conditions d’une politique tarifaire porteuse de développement. (la mention « obtenir des économies pour financer les aspirations principales des Saint-Pierrais » laisse dans son sillage sa dose de perplexité)

Quand on a vécu du DC3 d’antan à l’ATR d’aujourd’hui, il est bon de rappeler l’apport essentiel d’une compagnie basée sur l’archipel autant pour son désenclavement ordinaire que pour la sécurité de tous (et pas uniquement pour ceux dont fuse l’âge), notamment en ce qui concerne les évacuations sanitaires. Porter atteinte à ce dispositif clef en brouillant les pistes serait se tirer une balle dans le pied qui crierait forcément pouce.

Pour autant sans doute ne faut-il pas se limiter à la seule dimension de l’existant ni focaliser indûment sur la seule clientèle locale. Est-ce que l’amélioration du réseau avec la métropole ne permettrait un flux européen plus important pour ouvrir une autre source de développement en dépassant la seule période estivale ? Partenariats et prix du billet abordable ouvriraient-ils d’autres voies ? Qu’en est-il de l’AVE, des difficultés éventuelles et des questions qui s’immiscent dans la vie privée des gens, comme celles relatives à la santé ?

A l’orée des mois à venir, après le rendez-vous présidentiel pour lequel les économies dans les dépenses publiques sont à l’ordre du jour de plusieurs programmes, alors qu’il s’agira de négocier la future DSP (Délégation de Service Public), me vient cette pensée : AVE Paris, ceux qui vont voyager te saluent.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

26 février 2017