De l’immédiateté

Scène cocasse sur BFM TV mercredi 22 février 2017 : sur le plateau de « ceux qui savent », l’éditorialiste Ruth Elkrief et autres journalistes de nous annoncer avec certitude que François Bayrou va présenter sa candidature en direct lors du rendez-vous fixé ce jour au siège de son parti. Patatras ! François Bayrou annonce qu’il se rallie à Emmanuel Macron et que par conséquent il ne se présente pas. Cette décision est le fruit, nous dit-il, d’une longue réflexion sur fond de grande gravité de la situation. Je souriais à imaginer la trombine des commentateurs qui se seront pris les pieds dans la moquette.

Bref, nous aurons assisté en direct à une belle démonstration des effets pervers de ces commentaires permanents au pied levé qui encombrent toutes les chaînes télévisées. Dans ce caquetage permanent comment laisser place au recul plus que jamais nécessaire dans le tourbillon médiatique ?

« Cette campagne est décidément différente », aura commenté Ruth Elkrief, de retour sur le direct de l’après-déclaration solennelle, après s’être excusée dans la foulée de la déclaration de François Bayrou qui venait de bousculer ses certitudes. Ce qui est sans doute différent – ou qui s’accentue – c’est que nous sommes de plus en plus emportés par le maelström télévisuel qui, dans son immédiateté, ôte toute chance à une éventuelle consistance de la pensée, condamnée à n’être que le reflet – plat – des écrans qui la véhiculent.

Le journalisme qui s’appuie sur le temps nécessaire de la réflexion devrait disposer de meilleures fenêtres, mais il est malheureusement battu en brèche par le culte de l’immédiateté. Le rapport à l’émotionnel du sensationnel l’emporte sur l’analyse sereine de la complexité.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

23 février 2017