Carnet de lecture : Anne Nivat, Dans quelle France on vit

Je suis souvent saisi, tant sur l’archipel que dans mes déplacements sur le sol hexagonal par un lamento sans cesse renouvelé, reflet d’un mal-être réel dans le vécu quotidien. Aussi ai-je été attiré par l’ouvrage d’Anne Nivat, une journaliste-reporter dont j’ai pu apprécier les écrits, notamment dans sa couverture des conflits en Afghanistan et en Irak, consacré cette fois-ci à notre terroir de référence : Dans quelle France on vit.

Livre riche d’observations avec une multiplicité de points de vue, par le contact établi avec une population multipolaire, et qui bouscule les idées faciles, les a priori et les jugements à l’emporte-pièce.

La journaliste aura fait le choix d’aller à la rencontre du terrain en prenant le temps dans six villes différentes, hors les circuits qui s’imposeraient par la force de l’attractivité ordinaire ; pas de Paris, pas de Bordeaux, Lyon, Nantes ou Toulouse…

Mais Evreux, Laon, Laval, Montluçon, Lons-Le-Saunier, Ajaccio.

On se laisse emporter dans la multiplicité des rencontres, de ville en ville, avec cette chance de pouvoir ainsi bénéficier de témoignages captivants de tous les milieux, migrants, SDF, salariés, fonctionnaires, retraités, religieux, policiers, demandeurs d’emploi, hommes, femmes, chefs d’entreprises… Regard sur la vie, vécus diversifiés, vies diurnes et nocturnes, décalages trop fréquents de perceptions de la part des politiques – souvent campés sur leurs certitudes coupées du quotidien -, et des observations sur les attentes, sur le ressenti face aux défis d’aujourd’hui. Ici, pas de Vérité assenée grâce aux recoupements que l’on peut ainsi faire. N’est-on pas confronté à l’apprentissage nécessaire de l’humilité ?

Foison de concentrés de vie, lecture haletante, enquête sur le terrain captivante. Désarrois, passions, combats vous étreignent au fil des liens établis, le temps d’une écoute attentive. Cette enquête est tout simplement passionnante.

Visions éclatées certes de par la diversité, palette de tous les possibles des opinions exprimées. Effets dévastateurs du manque de boulot, du déclassement.Voyage dans une multitude de milieux professionnels. Joies, détresses…

Désarroi ? Oui, bien sûr. Ouvrir les fenêtres de l’espoir ? Un combat indispensable, sur d’autres terrains que celui des discours lénifiants et hypocrites, enfermés dans des bulles étranges , « alors que les problèmes à régler sont avant tout ceux du quotidien. » (p.438)

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

16 décembre 2017

Anne Nivat, Dans quelle France on vitArthème Fayard – Pluriel – 2017 – ISBN : 978-2-818-50547-2