Carnet de lecture : Colson Whitehead, Underground railroad

La vie serait-elle variante dans la réécriture ? L’écriture s’inscrirait-elle dans les redondances de la vie ? Je pense aux Misérables de Victor Hugo, à Jean Valjean, condamné un jour au bagne pour avoir volé un pain, libéré puis poursuivi sans relâche par un Javert, garant de l’ordre établi.

Autre contexte. Etats-Unis du temps de l’esclavage, avant la guerre de Sécession, nous sommes d’abord en Géorgie… Et c’est le choc une nouvelle fois avec un roman américain traduit en français, Underground Railroad, ce que le titre pourrait ne pas laisser supposer. Son auteur, Colson Whitehead, au nom qu’on dirait comme une chiquenaude à une page terrible de l’Histoire.

Etre esclave dans une grande propriété de Géorgie ; dure réalité des sévices infligés ; désir de plus en plus tenace de fuir. Ceux qui tentent leur chance et qui sont rattrapés subissent des atrocités qui empoignent le lecteur.

Nous suivons une jeune femme, Cora. Son aventure haletante nous plonge dans les affres de tout un pan d’une Histoire qu’une actualité récente, en Libye, a remis (provisoirement, avant l’oubli) dramatiquement sur le devant de la scène. Les pages sont puissantes. Cora trouve un premier refuge, mais ce ne sera qu’un court répit. J’ai été saisi, au détour d’un épisode, par la dérision de ce qu’elle vit en tant qu’employée dans un musée où l’on porte une Histoire falsifiée pour l’éducation de générations qui ne verront que du feu quant à la terrible réalité.

Récit épique de fuite en fuite, bouleversant jusqu’à la dernière page, dans une mise en forme imaginaire qui s’appuie sur un pan vérifiable de l’Histoire (l’Underground railroad) et qui traduit la tragédie des Noirs dans les plantations d’Amérique. On en sort ébranlé, bousculé, halluciné même, pour reprendre un terme de la quatrième de couverture.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

5 décembre 2017

Colson Whitehead, Underground Railroad, Albin Michel, 2017 – ISBN : 978-2-226-39319-7