Carnet de lecture : Erik Orsenna, La Fontaine, une école buissonnière

Ouvrir un livre d’Erik Orsenna, c’est s’apprêter, comme à l’orée d’un temps de bonne chère, à goûter goulument une finesse d’écriture. On n’est pas déçu avec son La Fontaine, une école buissonnière. Dès les premières pages on se met à savourer La Fontaine bien sûr, mais aussi Orsenna et son ses pépites d’humour, table mise avec une succession de petits plats qui nous baladent entre XVIIè et XXIè siècles. Il est des menus qui transcendent le temps. Ah ! « Les ressorts qui meuvent les hommes (la vanité et l’avidité) » (p. 53) ; ah! les affrontements entre les puissants dans « les entourages ministériels et présidentiels » (p.53), mais aussi partout où il est question de jeu de Pouvoir ! Le tout présenté par quelqu’un qui admet sans ambages avoir lui aussi « fort pratiqué la flatterie, aux temps mitterrandiens où (il était) courtisan ». (p.57) Il n’est pas monnaie courante d’avoir un tel sens du recul. Ah ! Ces flatteurs qui applaudissent en quête de prébendes. 

Fouquet le surintendant, flatté par tant de flatteurs, tombent en disgrâce. Superbe observation de l’auteur : « Sitôt connue l’incroyable nouvelle de l’arrestation, les mouches changèrent d’âne. » (p.71) L’Histoire serait-elle répétition de microcosmes ?

Orsenna donc, et son style si bien mâtiné d’ironie et de malice ; La Fontaine bien sûr que l’on suit dans le déroulé de sa vie, dans ses choix, dans l’exercice de sa liberté. Fables bien sûr, mais aussi contes que l’on n’évoquait pas dans mes années écolières. La Fontaine, « libre, ne suivant que sa seule fantaisie, prisonnier d’aucun système. » (p.174)

Une école buissonnière de la vie, en quelque sorte. Et une invitation à la (re)lecture d’un maître du Verbe.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

13 décembre 2017

Erik Orsenna, La Fontaine, une école buissonnière – Stock – 2017 – ISBN : 978-2-234-08248-9