Il est des brumes insondées

Le chalutier d’un peu moins de 25 mètres Cap-Marie, qui aura pris cet hiver la relève du Beothuk, est toujours à quai en ce 20 mars 2018 et ce depuis plusieurs jours maintenant. Rentré récemment avec peu de poisson et un chalut déchiré, il aura manqué d’équipage, après ramendage, pour repartir en mer. Ne touche-t-on pas là une nouvelle réalité ou tout au moins une mutation qui s’est amplifiée ? Il y a quelques années j’ai été frappé par le fait que la vente des timbres puisse rapporter davantage que l’exportation de poisson. On a négligé le timbre ; on peut s’interroger sur l’état réel de la pêche sur l’archipel, malgré la reprise récente  de l’ensemble des pôles par une compagnie boulonnaise. Comment rendre attractif un secteur professionnel qui souffre d’un déploiement en dents de scie, partant dans les salaires versés, les parts de pêche du marin embarqué se réduisant à la portion congrue ?

La venue annoncée dans le courant de l’année d’un chalutier plus conséquent changera-t-elle la donne ? Nos attentes ne sont-elles pas ballottées de noms qui un jour surgissent et qui se font soudain la malle ? Qui se souvient du Marmouset, de l’Avelmad ? Qui se souviendra de l’Atlantic Odyssey rivé aujourd’hui au quai dit « d’Interpêche » dans le langage des survivants d’un temps qui hante nos mémoires ? Se rappellera-t-on le Beothuk parti au cours de cet hiver sans neige vers un horizon espagnol sur la trace d’autres porteurs d’espoir d’un temps révolu ?

Il est des brumes insondées.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

20 mars 2018