« Abus de pouvoir » écrivait François Bayrou

Comment François Bayrou, auteur d’Abus de pouvoir en 2009, peut-il soutenir un président de la république qui met en oeuvre ce qu’il dénonce avec vigueur dans son livre à l’époque, il est vrai, de Nicolas Sarkozy ? La question est posée.

Dix années se sont écoulées. En-dehors de renvois à des faits qui remontent à cette antépénultième présidence de la Vè république, on oublie très vite le nom de Nicolas Sarkozy pour le remplacer par Emmanuel Macron.

François Bayrou de s’en prendre à une orientation politique qui accroît les inégalités, politique dite néolibérale, qu’il qualifie même de paléo-libérale, tant ses recettes usées, venues d’Amérique dans les années quatre-vingt – école de Chicago, Reagan -, ont montré qu’elles menaient tout droit à des crises graves à l’échelle internationale.

Destruction du pacte au sein de l’entreprise, la valeur des actions devenant « le principal indice des rémunérations exceptionnelles des cadres dirigeants » (p.109) ; « inégalités croissantes » ; privatisation du secteur public… « C’est ainsi que nous nous sommes fait cocufier, nous France » (p.113), de constater François Bayrou qui a le sens des mots. « Ça paraissait crever les yeux. Mais nous n’avions pas vu que ce qui était cherché, ce n’était pas de donner plus à ceux qui en ont le plus besoin. C’était de donner plus à ceux qui ont plus. » (p.113)

Bref, si la France avait su jusqu’alors résister, depuis Nicolas Sarkozy, nous avons plus que levé la garde. (n’avons-nous pas Lagarde au FMI ?)

Mais les bougres qui n’y voyaient que du feu, pour reprendre une expression de l’auteur, se sont réveillés en novembre 2018 et les lignes de front sont devenues évidentes.

Par-delà l’habillage du débat dit national, sans réponse aux revendications réitérées depuis trois mois, soutenues par une énorme majorité de Français, Emmanuel Macron et Edouard Philippe, son premier ministre, ne changent pas de cap, malgré les coups de boutoir d’une part importante de la société qui crie sa détresse.

« Lorsque le jour sera venu, la vague qui dit non aux dérives subies depuis des années devra se renforcer d’une vague qui dit oui », de conclure François Bayrou. Oui, bien évidemment à une autre orientation, dans l’interaction des solidarités et du respect mutuel, pour que chacun puisse vivre dignement. Une politique et une économie au service de tous, en quelque sorte.

Le livre de cette nouvelle orientation est en écriture, éloigné du Bayrou pro-Macron – ironie de l’Histoire -, proche du livre publié en 2009, sur le terrain, dans la douleur des oppositions.

Mais la clef de l’espoir est dans la serrure d’une porte étroite.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

8 février 2019

François Bayrou, Abus de pouvoir – Plon, 2009. ISBN : 978-2-259-20876-5