Forteresse impénétrable

« Entre le grand débat et les « gilets jaunes », le blues des hauts fonctionnaires de Bercy » titrait Le Monde le 17 janvier 2019. Et de rapporter les propos d’un haut fonctionnaire : « à votre avis, qu’est-ce qu’on a loupé ? »

La cocasserie est dans l’interrogation même. On a loupé parce qu’on était à côté de la plaque. Telle pourrait être in petto la réponse. Mais peut-on répondre de cette manière dans les sphères de haute certitude ? Le ver dans le fruit ne vient-il pas de la composition même de ces hauts lieux et des écoles qui les formatent ? ENA, polytechnique… Coupés des réalités, ayant échappé au brassage que favoriserait l’Université, nageant comme des poissons dans un milieu hautement protégé, opaque jusque dans les rémunérations, occupés à leurs plans de carrières, bénéficiaires de pantoufles à haute valeur ajoutée, ils sont les hauts forgerons de l’incompréhension. Les tracas du quotidien du SMICARD, du sans-emploi, du salarié qui voit son pouvoir d’achat se réduire comme peau de chagrin, du retraité ayant trimé toute sa vie professionnelle, leur échappent complètement.

Comment être surpris du blocage actuel entre des politiques asservis à la doxa de la finance, des hauts fonctionnaires maîtres d’une forteresse impénétrable et le peuple qui porte les stigmates d’une orientation néfaste ? Ne s’égrènent alors que les images des affrontements actuels révélateurs de l’impasse d’un pays qui avait, il n’y a pas encore si longtemps, son propre modèle, certes perfectible, mais avec des gardes-fous pour la cohésion de la société.

Emmanuel Macron, lui-même sorti  de l’ENA – promotion Sédar-Senghor – peut-il avoir une volonté présidentielle digne de la charge qui lui incombe ? La réponse est urgente. L’addition des blessures est insupportable.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

10 février 2019