Sur les rives de Beauté avec Vincent Segal et Piers Faccini

Les mots peuvent parfois faire peur, surtout ceux de l’emphase. Entre-t-on dans l’exagération ? Dépasse-t-on son ressenti, l’état réel de ce que l’on a vécu ? Ai-je déjà employé le mot « sublime » à l’écoute d’un concert ? Sans doute que non.

Et pourtant il m’est venu en ce soir du festival des Transboréales à la chapelle Sainte-Bernadette de Saint-Pierre, ce vendredi 9 août 2019, lors du concert de Vincent Segal au violoncelle et de Piers Faccini, guitare, voix. Sublime, oui, par l’extraordinaire palette des deux artistes dans la pleine maîtrise de leur art, dans un contexte acoustique où se révélait la qualité du lieu pour une pleine osmose entre public et musiciens. Aucune note ne pouvait échapper à la dynamique du partage, le moindre frisson était aux portes de nos oreilles, la plus petite subtilité nous transportait de bonheur.

Quel choix pour un répertoire qui nous aura fait voyager comme sur un tapis volant dans les nuées d’un multiculturalisme musical qui nous ouvrait aussi aisément les portes de l’émerveillement ! Nous ne pouvions qu’être saisis d‘émotion par la voix de Piers Faccini, par les nuances émanant de sa guitare et par la richesse musicale de Vincent Segal au violoncelle. Quelle simplicité aussi et quelle ouverture d’âme vers nous tous ! J’ai rarement vécu une telle intensité de partage. Comment ne pas être désarçonné à se ressentir à Naples, puis à La Réunion, au Mali, à La Nouvelle-Orléans, sur le pourtour méditerranéen… Tonalités européennes, africaines, américaines, du nord, du sud, orientales… Tout semblait si évident au point que les Margaux, le trio chaleureux de femmes venues des Îles de la Madeleine, invitées en toute simplicité sur scène, fondaient leurs nuances vocales dans l’inattendu comme si des heures de répétitions avaient précédé. C’était grand, chaud, émouvant. Boubacar Traoré nous transmettait l’essence de ses arbres fruitiers. Comment ne pas vibrer à « Mangé pour le coeur » du Réunionnais Alain Péters ? Quel bel hommage aussi à Dr John de La Nouvelle-Orléans ? Et quelle visite dans la création napolitaine ! Ainsi allions-nous cheminant d’oasis en oasis de… Beauté.

Standing Ovation ! Certitude d’avoir vécu un moment exceptionnel ! Nous étions nombreux à flâner au sortir sur le parvis, histoire de prendre son temps avant de nous enfoncer dans les entrailles de la brume.

C’était un soir d’été hors normes. Sublime !

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

9 août 2019

Photo, Jean-Christophe L’espagnol