Carnet de lecture : Audur Ava Ólafsdóttir, Ör

Qui ne porte pas un jour les cicatrices de la vie, plus ou moins douloureuses, parfois insupportables ? C’est le cas du narrateur de Ör, le roman de l’auteure islandaise Audur Ava Ólafsdóttir.

Être mal dans sa peau, perdu, désemparé… Thème banal ? Tout dépend de l’écriture, ici alerte, fine et sensible, suggestive et non pas assénée. Le personnage veut en finir et choisit une méthode originale en quittant l’Islande pour un pays meurtri par la guerre. Conflit des Balkans, sans doute, pas si lointain.

La réalité d’un milieu bouleversé par la folie humaine aura plus d’impact dans la recherche introspective que n’importe quelle démonstration verbale. « Dans un pays de guerre et de poussière, les bêtes aussi sont estropiées : les chiens clopinent sur trois pattes, les chats n’ont qu’un œil, les oiseaux vont à cloche-pied. » (p.132)

Faut-il être aveuglé au point d’avoir besoin d’être confronté à la mort pour goûter à la vie ? Étrange destinée de l’homo sapiens : « Tout bien considéré, il n’est pas aussi urgent de mourir au pays de la mort. » (p.147) On ne peut qu’être modeste devant la véritable (in)humanité de la douleur.

Ör… Cicatrices, en islandais. Ce roman va nous chercher avec tact par-delà l’épiderme. Puissions-nous devenir humains dans ce qu’il y a de plus beau dans notre émergence darwinienne. Pour que des enfants n’aient plus à dessiner le monde tel « un brasier en flammes. » (p.167)

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

28 octobre 2019

Audur Ava Ólafsdóttir, Ör – Editions Zulma, 2017 – ISBN : 978-2-84304-806-7