Pour le maintien du Consulat de France à Moncton

Un Consulat a un coût ; le rayonnement de la France a un coût. Mais la force d’un pays ne se réduit pas à des chiffres. Il importe de sortir de l’ « obsession maladive des chiffres », pour reprendre un propos d’Edgar Morin. Le rôle particulier de notre pays repose sur un parcours historique diversifié, complexe, avec ses zones d’ombre et de lumière, ses petitesses et ses grandeurs. La pérennité en mouvement de la langue française en Amérique du Nord porte toutes ces facettes.

Il est commun pour nos gouvernants, voire même pour la pensée commune, en France, de ne voir cette pérennité que sous le seul angle du Québec. Certes il serait aberrant de sous-estimer ce lien particulier. Mais l’Histoire est autrement plus riche, plus exaltante, quand on prend la mesure de tous les pôles d’implantation de la langue de Victor Hugo en Amérique du Nord, par la présence unique d’une identité française aux portes du Canada avec Saint-Pierre et Miquelon d’une part et ce qu’on désigne sous le label de francophonie dans ce grand pays qu’est le Canada d’autre part.

Comment ne pas évoquer les erreurs d’appréciation des pouvoirs centraux d’antan ? Le manque de clairvoyance dans notre approche du Nouveau Monde aura coûté très cher face à la détermination anglaise dans le processus de sédentarisation.

Sur un territoire immense à l’est du Québec – ces échelles dans les distances nécessitent une attention particulière – l’épopée acadienne mérite le plus profond respect. Son originalité dans sa complexité d’implantation sur plusieurs provinces relève d’une dimension très différente de notre jacobinisme centralisé. Le maintien du Consulat de France à Moncton répond à une politique qui a du souffle dans la marche de l’Histoire. Il est déterminant d’en prendre toute la mesure. Fermer le Consulat de France à Moncton serait aller à l’encontre de l’esprit qui a prévalu entre la France et le Canada pour la mise en œuvre de la coopération régionale dans l’est atlantique en 1996.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
28 novembre 2019