Du déficit démocratique

A l’occasion de la crise du STAU (schéma territorial d’aménagement et d’urbanisme) à Saint-Pierre et Miquelon, en ce mois de février 2020, chacun aura pu constater que collait à ses basques un constat de déficit démocratique.

Pourquoi ?

Dans le quotidien de tout un chacun.

Prendre la parole pour exprimer une opinion qui dérange est la porte ouverte à toutes les rétorsions directes ou indirectes. Le Collectif du STAUP aura permis de se serrer les coudes et d’ouvrir les chemins de la vigilance. Dans un contexte insulaire ou, par lien direct du fait de son emploi ou indirect du fait de son appartenance à une entreprise qui, à son tour, dépend de la commande publique, la boucle est vite bouclée : on prend l’habitude de la fermer. Coller une étiquette sur le front de l’autre fait trop partie du réflexe de chapelle. En résulte un appauvrissement dramatique dans le fonctionnement démocratique. Or, qui peut prétendre détenir toutes les vérités ? Un élu de l’une ou l’autre Collectivité ou un de ses dérivés ? Il serait pour le moins d’une autre planète. (Ce qui d’aventure arrive malheureusement, ce en quoi l’archipel n’est pas une exception)

Puis, dans les assemblées telles qu’elles sont constituées désormais, on s’habitue à ce qu’il y ait une majorité et une opposition. On se dit que c’est bien. Sauf que :

  • Les élus de l’opposition sont vus comme des péquins de seconde zone par la majorité au pouvoir qui les met hors jeu dans les échanges.
  • Par la population qui s’habitue à les voir comme les péquins de service ordinaire portant l’image d’une… minorité.

Effet induit : il faut du temps pour que se forgent des personnalités à même de prendre le flambeau un jour. Comment cela peut-il se faire dans une telle perversité binaire ?

Résultat des courses : un désengagement de beaucoup, et au final un vide progressif de pluralité affûtée dévouée au bien public à même d’éviter les dérives. La généralisation du comportement « lève-crayon » est carrément mortifère, dossiers souvent parcourus à la dernière minute, au nom d’une confiance aveugle à la poignée de ceux qui mènent la danse dans un rapport vertical de soumission. Les votes à propos du STAU – sur un dossier lourd de conséquences dont la responsabilité incombe au Conseil territorial – révèlent le sommet pervers de l’iceberg.

Et l’on se plaint alors de tout ce qui dépérit, à commencer par notre propre démographie ? Le contexte est tel que, prise de conscience aidant, on est souvent amené à aller respirer… ailleurs.

Sauver l’archipel du dépérissement passe par une réflexion sérieuse sur tous ces travers qui appauvrissent nos capacités de renouvellement et de clairvoyance. Travail de Sisyphe, certes, pour gagner peut-être la possibilité de se dire « d’exception », voire d’en être « fier »

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

12 février 2020