A vous couper le sifflet

14 février 2020 : Agnès Buzyn, alors ministre la Santé déclarait sur France Inter : « Il est très probable que nous ayons de nouveaux cas, je ne peux pas dire que nous n’en aurons pas. Nous sommes prêts …»

6 mars 2020 : Emmanuel et Brigitte Macron vont au théâtre « pour inciter à sortir malgré le coronavirus » (BFM) Au soir du 6 mars, on note par exemple 4 000 cas de contamination en Italie, 200 morts, 653 contaminations en France, 9 décès, 39 personnes hospitalisées dans un état grave.

Le 11 mars 2020, dans un discours, alors que l’épidémie battait déjà son plein, il déclarait : « Nous ne renoncerons à rien. Surtout pas à rire, à chanter, à penser, à aimer. Surtout pas aux terrasses, aux salles de concert, aux fêtes de soir d’été. Surtout pas à la liberté. Surtout pas à notre esprit de résistance qui fait la République si grande, la France si forte. » Pas question de fermer les écoles, d’affirmer le ministre de l’Education nationale. Au matin de ce 11 mars, on relève : – Italie – nombre de cas le plus élevé en-dehors de la Chine – 10 149 et 631 décès ; France : 1 784 cas et 33 morts ; Espagne : 1,689 cas et 36 morts ; Allemagne : 1 200 cases et 2 morts ; Suisse : 476 cas et 3 morts ; Royaume-Uni : 382 cas et six morts ; Pays-Bas : 382 cas et quatre morts ; la Belgique, avec 267 cas, annonce le premier décès. Pour ne retenir que quelques exemples.

Le 12 mars, intervention élyséenne, changement de ton. Fermeture des écoles.

Le 16 mars, intervention élyséenne : « nous sommes en guerre » et les Français doivent s’en rendre compte. Confinement de la population, report du second tour…

Il était temps. Sauf que la prise de conscience de beaucoup aura précédé celle du Président et de son gouvernement. S’en dégage l’impression d’un gamin pris les doigts dans un pot de beurre de pistaches. La leçon assenée ne manque pas de « sel attique assaisonné partout », comme aurait écrit Molière.

Agnès Buzyn ne vient-elle pas de lui assener un coup sur les phalanges ? Elle aurait prévenu Emmanuel Macron de la gravité de la situation dès le 11 janvier ; les élections municipales ne pouvaient pas se tenir, aurait-elle dit au premier ministre le 30 janvier  ; on allait dans le mur. « Le 11 janvier, j’ai envoyé un message au président sur la situation. Le 30 janvier, j’ai averti Edouard Philippe que les élections ne pourraient sans doute pas se tenir. Je rongeais mon frein. »

Derrière nos parois d’isolement, il nous est loisible de méditer avec effarement cet autre passage de l’ex-ministre de la santé : « Depuis le début je ne pensais qu’à une seule chose : au coronavirus. On aurait dû tout arrêter, c’était une mascarade. La dernière semaine a été un cauchemar. J’avais peur à chaque meeting. J’ai vécu cette campagne de manière dissociée. »

Mais qui aura démissionné à l’orée de la tempête pour se présenter aux municipales de Paris ? : Je recevais des milliers de textos me disant : « Il n’y a que toi (…) J’ai appelé moi-même le président pour lui dire que j’y allais. »

Qui nous écrira la suite ? Il n’y a pas que le coronavirus à vous couper le sifflet…

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

17 mars 2020