Yves Vessière, Stop ! – Nouvel album

Un air du large m’est venu de… Montluçon. La musique se joue des distances, voire même des confinements.

J’avais déjà eu la bonne surprise de découvrir Yves Vessière et de consacrer avec grand plaisir deux chroniques pour deux de ses albums. Sort son septième, en cet été 220, intitulé Stop ! De quoi s’y arrêter en effet, en prenant son temps car toute musique se savoure loin des chronomètres.

Nouvel album donc, plus étoffé sur le plan musical par la diversité instrumentale (contrebasse, percussions, violoncelle, accordéon, piano, trompette, guitares). 15 titres, une belle pochette avec livret, une invite alléchante, dès le premier titre on se laisse emporter.

Les textes sont une nouvelle fois subtilement construits, riches de par les thèmes abordés ; la musique est en… harmonie, ce qui, tu en conviendras, ô lecteur, est une clef pour toute portée.

Voix à la clarté chaleureuse – elle m’aura fait penser par moments à Eric Frasiak de Bar-le-Duc – qui se détache bien du support instrumental pourtant nourri, les conditions sont réunies pour tout mélomane avide de chansons. Les textes retiennent l’attention à commencer par le premier, Stop !, facture jazzy, qui nous donne une piqure de rappel quant à notre rapport à la planète.

J’ai eu une pensée pour Marc Robine en écoutant la chanson Les chemins de Saint-Jacques. A cause du rythme, de la voix, du thème du voyage, de la camaraderie ?

La deuxième chanson Sauf toi-même, m’aura rappelé Jehan Jonas et Jacques Debronckart par son côté décapant, par l’intonation aussi. Un coup de patte bien dosé à qui a la grosse tête.

Difficile de résumer une telle palette, plusieurs chansons dans le livret sont précédées d’une épigraphe qui campe l’approche. Hommage à Charles Aznavour qui aura fait son parcours contre vent et marées dans la troisième chanson, La revanche de Charlie.

J’aime les chansons qui emportent sur les chemins de rêverie. Regarde-moi suscite une belle émotion dans le rapport de filiation artistique. Je n’ai pu m’empêcher de penser à une situation inversée, celle de Serge Reggiani et de son fils, le père ayant pu se demander ce qu’aurait pensé de son cheminement ultérieur son fils disparu prématurément. Je te le disais, mes pensées ne restent pas à l’ancre.

Comment ne pas accorder une mention à L’enfer aussi ! Premier violon dans un camp de concentration…, il est des rappels que la chanson sait porter. La musique transcende les drames humains. J’ai marqué une pause avant d’écouter la suite.

Plaisir de me retrouver dans la chanson Les sapins. Dans l’évocation, ceux qui sont alignés, formatés pour les futures fêtes sans doute. J’aime pourtant les sapins, aux troncs tordus, libres, libertaires… Car sur nos îles les sapins assument leurs difformités et leurs différences.

Victor Hugo, Francis Carco (ne boudons pas notre plaisir) sont aussi deux auteurs retenus pour une mise en musique. Trompette bouchée pour un temps pluvieux, comme à Saint-Pierre un jour d’écoute alors que dehors… il pleut… comme dit la chanson.

Variété de sujets abordés et de rythmes aussi, dont une très belle chanson sur le thème de l’esclavage en Guadeloupe, condensé dans sa vibration humaine dans l’évocation d’une femme qui aura combattu pour l’abolition de l’insupportable.

Et puis trois titres qui ouvrent le champ de plus de légèreté pour t’acheminer vers la dernière minute de l’écoute. Rester moi… et tu te sens tout guilleret. Rêve de découverte dans Je voudrais… La vie est dans les espoirs que l’on se forge.

L’album est beau, prêt pour plusieurs écoutes, mixé et masterisé à souhait pour un très bon rendu dans l’équilibre des sonorités.

Il faut bien Une chanson pour enchanter l’imaginaire – dernier titre de l’album – en ces temps de grand désarroi.

Stop ! On ne cède pas à tout ce qui nous engrisaillerait…

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

13 août 2020

Référence CD : Yves Vessière, Stop ! – Production La Maison Jaune – 2020

Site internet : http://www.yvesvessiere.com

Pour rappel – articles sur albums précédents