Reprendre les chemins du réel

Alors qu’on impose le port du masque aux élèves et aux enseignants, le préfet sur le plateau du JT du 5 septembre 2020 à Saint-Pierre intervenait… sans masque. Deux poids, deux mesures ? La distanciation médiatisée était certes respectée. Mais qui se penche avec réalisme sur ce qui se passe dans une salle de classe ? Entre une caissière derrière une vitre et des clients attentifs à cette distanciation ? Faut-il se déplacer avec un mètre étalon pour vérifier les différences de positionnement ? Le summum de la cocasserie aura été atteint avec le président de la république, couche-culotté comme on l’impose aux enseignants, manquant de s’étouffer devant un groupe de jeunes à qui il tentait de faire une brillante démonstration.

L’on vit désormais à Saint-Pierre et Miquelon (comme en France métropolitaine mais avec un impact renforcé du fait du microcosme insulaire) dans une irréalité fantasmée, dans l’obligation de supporter des décisions qui ne reposent que sur des « ça va de soi » à la validité invérifiable. Un principe de précaution perverti en quelque sorte qui paradoxalement véhicule son potentiel mortifère. Parce qu’il y a incertitude, on oublierait… de vivre ?

Il est vrai que dans les écoles il est plus facile d’imposer un masque dont on occultera les dangers que de déployer de quoi se laver régulièrement les mains qui elles peuvent être porteuses de sources contaminantes… D’un côté le fantasme, de l’autre une triste réalité de pauvreté en équipements sur laquelle on ferme les yeux.

Il est plus facile de spéculer dans l’entre-soi de cols empesés que de prendre les réalités à bras le corps pour améliorer le terrain et ouvrir le champ d’une meilleure respiration.

L’étouffoir et la muselière envahissent l’espace public. Et tant pis si ces mois de bouleversement épidémique ont révélé la mise à sac, par des politiques peu scrupuleux, d’un système de santé public qui s’est trouvé fort dépourvu au cœur de la crise. Soigner, éduquer à la vie ne sont-ils pas des priorités où les responsables du pays devraient retrousser les manches ?

Réorienter les pas en quelque sorte sur les chemins du réel.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

7 septembre 2020

Illustration présidentielle : http://www.mathurin.com/2020/09/sil-fallait-une-demonstration/