Didier Daeninckx, Le roman noir de l’histoire

811 pages, 77 nouvelles réparties en 11 chapitres. Un regard sur l’Histoire tourmentée qui fait toucher du doigt les douleurs individuelles, les vies oubliées, les destins bousculés dans l’indifférence de la normalité mémorielle. Un roman noir de l’Histoire qui te prend aux tripes. Certes l’on ne remonte pas aux calendes grecques car le volume est déjà conséquent. La première nouvelle s’inscrit sous Napoléon III, met en scène d’étranges contrebandiers – pas d’alcool, non, mais des poèmes – et Victor Hugo à Guernesey.

Didier Daeninckx a rassemblé les récits dans un ordre chronologique qui, par leur contenu, nous interpellent aujourd’hui, tant certains fils conducteurs trouvent de douloureux renouvellements ou des mues tout autant insupportables. Le condensé propre à chaque nouvelle… renouvelle le souffle suspendu. Les faits sont précis, l’écriture est incisive ; l’ensemble te projette dans ton propre rapport aux valeurs fondamentales. Si d’aventure, d’une telle lecture, une lumière survient, on veut porter haut les couleurs de la Vie, contre tous les effluves de désespérance, car l’on est bousculé au fil des récits.

Lequel m’aura le plus frappé ? Celui des tziganes chassés par un industriel – Nous sommes tous des Gitans Belges -, et qui sortent celui-ci de l’ornière, avec sa famille, au moment de la grande débandade sur les routes pour fuir l’armée allemande ? Ou celui sur la guerre des Balkans – Le salaire du sniper, – avec une terrible manipulation pour faire de l’audimat ? N’est-on pas quotidiennement confronté au formatage de l’opinion ?

« Mettant bout à bout les petits restes d’une histoire à vif, Daeninckx fait droit à des histoires classées sans suite, et ce droit de suite constitue la longue traîne du roman noir de l’histoire », écrit dans sa préface l’historien Patrick Boucheron.

Henri LAFITTE, Chroniques insulaires

11 mars 2021

Didier Daeninckx, Le roman noir de l’Histoire, Verdier 2019 – ISBN : 978-2-37856-030-0