De la fragilité… et du sursaut salvateur

Et si l’on s’interrogeait sur ce qui a contribué à la fragilité de nos sociétés dites avancées face à l’inattendu, du moins à ce que l’on imaginait possible mais qui est survenu soudain ?

Pourquoi un tel désarroi, pourquoi une telle inefficacité dans les décisions ? Pourquoi tant de moulinets ? Pourtant le grand Manitou – comme de nombreux comparses de plusieurs pays – était affublé de grands mots, à lui la guerre, le conseil de défense, le conseil scientifique. Pouvait-il imaginer la Berezina qui résulterait de son arrogance, de son impéritie ? Il est vrai qu’avec de tels héritiers de l’absolutisme on finirait par croire que Waterloo fut pour nous une victoire…

La faute au peuple, forcément. Aux restaurants fermés depuis un an, aux salles de spectacle itou, aux terrasses idem, aux commerces non essentiels aux rideaux tombés… Mais… , les frontières passoires ? Circulez ! Mais le virus qui ne devait jamais venir en France… Mais le manque de masques dans les hôpitaux au printemps 2020… Mais l’incapacité de produire les masques en France, de fournir l’oxygène… Mais l’incurie d’un pays tourné vers une « société de services »… Mais les délocalisations à outrance… Mais l’allégeance aux grands lobbys pharmaceutiques… Mais la financiarisation de la planète… Mais une Europe oublieuse des peuples… Mais des responsables politiques déconnectés…

La confusion aura persisté un an après entre cas positifs asymptomatiques et malades réels, entre malades suivis (ou pas, malheureusement en 2020 surtout) à domicile et malades hospitalisés, entre ces derniers et ceux placés en réanimation. On aura occulté toutes les questions de comorbidité, oublié les données démographiques dont le vieillissement des populations, les effets de la malbouffe, les statistiques affichées par les hérauts de la grande panique noyant le poisson au service de la peur, cette nouvelle hydre du marché.

Pendant ce temps les services de santé auront dû faire face à une affluence qui aura révélé la dégradation des moyens, résultat d’une politique follement destructrice initiée bien avant Macron et accélérée depuis. Les questions relatives aux soins auront été longtemps occultées ; des interférences graves seront survenues mettant les médecins dans l’impossibilité d’exercer correctement leur mission. D’ordres en contre-ordres, d’affirmations souvent remises en cause par ceux-là mêmes qui les avaient énoncées, une décision jetant la précédente aux orties, sans états d’âme, en aura résulté une grave perte de confiance. L’incurie aura été… démasquée.

Et chacun de se trouver tel un enfant privé de son dernier jouet. Sentiment d’injustice, désarroi devant le vide soudain qui te renvoie à toi-même dans un terrible effet miroir. Et les privés d’insouciance de se mettre à gémir, ceux-là même qui vaquaient dans l’indifférence des cris d’alarme des personnels de santé, de l’appel à la prise de conscience des gilets jaunes…

Retrouver la vie normale ? Mais que cache ce groupe nominal ? Vie normale pour tous ceux qui auront été plongés dans la détresse absolue par les mesures incohérentes ? Non, la terre n’est pas un terrain de villégiature pour contemplatifs rassasiés. Nous vivons en direct l’échec du néo-libéralisme, quoi qu’en dise le grand Elucubrateur d’un pays racorni.

Mais l’espoir naîtra de ceux qui refuseront la fatalité dans laquelle toute une idéologie a enfermé des sociétés aujourd’hui apeurées. Les sursauts salvateurs ne sont jamais linéaires, pas plus que les découvertes dont l’humanité peut tirer profit.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

19 avril 2021