De l’aliénation…

Dans La société du spectacle, publié une première fois en 1967, l’écrivain essayiste Guy Debord met en exergue comment l’individu est dépossédé de tout sens d’appartenance sociale dans son asservissement à la marchandise. « La consommation aliénée devient pour les masses un devoir supplémentaire à la production aliénée. » (p. 25) Et chacun d’être sans cesse privé de ce qui lui semble inaccessible. Chaque étape de consommation engendre une nouvelle frustration, entretient et intensifie son aliénation.

Aujourd’hui, l’homme lui-même, est devenu marchandise avec le matraquage médiatisé pour la vaccination qui lui semble incontournable tant on lui assène que sa survie en dépend dans un unanimisme qui ne souffre aucune remise en question. Le marché aux esclaves d’antan amenait un déplacement des individus. Aujourd’hui on asservit, on esclavagise à domicile. La digitalisation remplace le fer rouge. Surgissent les murs protecteurs individuels à l’image des quartiers américains où l’on se claquemure.

Car il s’agirait d’être consommateur de tout et de rien comme avant, bras déployés sur tous les étals d’une société d’abondance en oubliant ce que signifie le vivre ensemble, ce qu’on attend de la société et en quoi celle-ci peut favoriser l’émergence du bonheur, en pleine conscience de notre interaction avec notre espace vital, la planète terre, bleue, vue de l’espace.

On en arrive par exemple, dans notre contexte insulaire, à des sujets qui implorent le droit de jouir de quelques sucettes. La réduction de l’être humain à un consommateur replié sur lui-même ouvre la voie de la disparition de ce qui était constitutif d’une capacité à relever les défis qui nous orientait.

Pendant ce temps la bureaucratie se mue en nouvelle féodalité, asservie à un pouvoir central absolu exorbitant. On est loin de la participation démocratique, du fait également des cloisonnements mortifères de la politique locale. Quant aux témoignages de mal-être sur notre “archipel d’exception” illusoire, il suffit d’aller vers l’autre et de tendre l’oreille. Le bonheur ne peut pas être au rendez-vous dans une « vie sociale aliénée ». (Expression empruntée à Guy Debord)

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
22 avril 2021

Livre cité : Guy Debord, La société du spectacle, Gallimard, 1992 – ISBN : 2-07-072803-X