Grégory Le Floch, de parcourir le monde et d’y rôder

Avril 2021 – C’était la 13ème édition du prix du Récit de l’ailleurs décerné par les lycéens de l’archipel. N’est-ce pas vivifiant que de se laisser emporter par le choix effectué par plus jeunes que soi ? Et quand je dis plus jeunes, je ne suis tout de même pas de la même génération que Jacques Cartier, aspiré par l’ailleurs d’une Histoire déjà en marche et qui fait que nous sommes là aujourd’hui sur quelques îles, de surcroît… cantonnés.

Ouvrir les horizons, une respiration nécessaire. J’ai donc été intrigué. L’écriture romanesque permet toutes les divagations de l’imaginaire ; dans le roman de Grégory Le Floch, de parcourir le monde et d’y rôder – le lecteur est servi. Déroulement narratif et digressions empreintes de surréalisme bousculent les repères ordinaires. Le narrateur est en quête de sens, thème auquel la jeunesse ne peut pas être insensible, surtout dans notre monde perturbé. Ne sommes-nous pas tous un jour prédisposés au « frémissement intense, celui qui précède les grands bouleversements de la vie » ? (P.67)

Le personnage principal est emporté dans des pérégrinations loufoques qui n’entravent pas un regard sur nombre de sujets brûlants contemporains. Montée des extrémismes, violence, complexité des rapports humains, quête d’idéal, glorification perverse du soi, l’insoutenable légèreté de l’être – eh oui, j’ai eu une pensée fugace pour Milan Kundera -, se manifestent au fil du cheminement qu’on peut qualifier d’initiatique. Question chemin, les lycéens sont sortis des sentiers battus, jetant leur dévolu sur une écriture qui peut désarçonner de par les digressions ou les décrochages soudain par rapport au réel. Ce roman est-il le reflet de leurs propres interrogations, sous l’effet de vies comme étouffées depuis l’émergence de la pandémie de Covid-19 ?

Car de voyage, en-dehors des déplacements géographiques, nous sommes dans le registre de la démarche introspective torturée. Il en résulte un retour ininterrompu sur soi où la noirceur l’emporte sur la loufoquerie, révélateur peut-être d’une jeunesse en quête de perspectives.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

17 mai 2021

Grégory Le Floch, de parcourir le monde et d’y rôder – Christian Bourgeois Editeur – 2020 – ISBN : 978-2-267-04302-0

Disponible à la librairie Lecturama