Michel Bernard, Les bourgeois de Calais

Il est des auteurs que tu découvres un jour dans la simplicité d’un enchantement en latence ; tu as un « coup de coeur », comme on le dit souvent à propos des livres. N’est-ce pas d’ailleurs un mot à la mode à la vitrine des libraires, sur leurs étals, sur des post-it de couleurs pour éclairer le lecteur potentiel ?

J’ai ressenti cette vibration particulière avec Michel Bernard, dans l’art de nous plonger à des moments de l’Histoire, de nous faire côtoyer des figures dont le seul nom peut donner l’illusion de la familiarité. Ainsi en a-t-il été avec Jeanne d’Arc, dans Le bon coeur ; mais aussi avec Claude Monet dans Deux remords de Claude Monet. Je suis passé depuis à côté d’autres figures. Mais survint 2021 et son roman Les bourgeois de Calais, dans la rencontre entre un « bourgeois » de la fin du XIXè, maire de Calais et le sculpteur Auguste Rodin.

Le monument de bronze des Bourgeois de Calais est aujourd’hui une grande référence de l’oeuvre de Rodin. Mais peut-on imaginer qu’une telle réalisation puisse apparaître ex nihilo ? Derrière les grandes oeuvres il est souvent un fil conducteur riche d’humanité et c’est le cas ici, dans la relation entre le sculpteur et un maire désireux de laisser une trace indélébile d’un moment fort de l’histoire de sa ville quand, au XIVè siècle, six volontaires décidèrent de se livrer aux Anglais vainqueurs au début de la guerre de cent ans, afin d’épargner leur ville.

Michel Bernard a l’art de nous faire toucher du doigt la grande sensibilité des créateurs, d’autant qu’ici elle prend corps dans une communion au service de la beauté transcendant les épreuves de l’Histoire. On revit toute la démarche de Rodin pour que se déploie l’acte créateur ; on se retrouve avec son commanditaire, ému, transporté par le génie qu’il aura eu l’audace de solliciter. Une oeuvre est là aujourd’hui qui porte une amitié que Michel Bernard aura su revivifier avec grand talent. Au détour du chemin, on s’imprègne d’un épisode clef de la guerre de cent ans ; on se trouve transporté à la fin du XIXè siècle ; on revisite des événements qui ont marqué toute une époque et qui trouve d’étranges résonances aujourd’hui, comme le retour du choléra en 1892 à Calais et l’affolement qui s’ensuivit, avant le sursaut… sanitaire et salvateur.

Ainsi va la magie de l’écriture romanesque.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

29 septembre 2021

Michel Bernard, Les bourgeois de Calais, Editons La Table ronde – ISBN : 979-10-371-0615-5

Un lien de rappel : http://www.mathurin.com/2017/03/michel-bernard-deux-remords-de-claude-monet/