Ahmet Altan, Madame Hayat

« A l’époque, j’ignorais encore que la vie est littéralement la proie du hasard… ». Fin du premier chapitre du dernier roman de l’écrivain turc Ahmet Altan, Madame Hayat.

Pourquoi jette-t-on son dévolu sur un roman plutôt qu’un autre ? Aura joué sans doute le format de l’éditeur Actes Sud, dans la verticalité qui repose bien dans la paume de la main. Lire mobilise des sens complémentaires, que ne permet pas une tablette. Le nom de l’auteur découvert dans son parcours autobiographique dans les geôles turques. Puis le résumé de la quatrième de couverture, élément souvent déterminant du choix. 

Le jeune narrateur aborde la vie à un point de bascule : hier, indolent dans une vie aisée, soudain étudiant sans le sou, ses parents étant dépossédés de tous leur biens par le Pouvoir. S’enclenchent deux rencontres déterminantes avec deux femmes, la plus âgée, Madame Hayat, et Sila, une jeune femme de sa génération.

Banalité du parcours amoureux en guise de trame ? Qu’on ne s’y méprenne. Les évocations sont riches d’humanité ; l’écriture d’Ahmet Altan est perlée d’une grande sensibilité. L’exploration de la fibre amoureuse sous-tend le titre. Mais le rapport à l’oppression, lui, n’est jamais très loin ; il se glisse dans les interstices du quotidien des personnages. La tension est de plus en plus palpable au fil de la narration. Le parcours sentimental du narrateur est en interaction incessante avec son milieu où l’impensable est probable.

Ahmet Altan sait mettre en oeuvre avec une grand finesse dans son écriture le rapport vital avec la littérature dans nos cheminements humains.

Henri LAFITTE, Chroniques insulaires

7 novembre 2021

Ahmet Altan, Madame Hayat – Actes Sud 2021 – ISBN : 978-2-330-15453-0