N’arrive-t-il pas à chacun d’entre nous d’avoir des moments de doute, de porter trop longtemps des amertumes, des rancœurs, de chercher la voie de l’apaisement et du sourire ? Ce n’est pas aisé. Mais le livre est là qui ouvre des horizons et permet, à loisir, de marquer un temps de pause et de se laisser porter vers l’impensé.
Le baiser et la morsure de Yasmina Khadra est de ces livres, en liaison avec toute son œuvre, qui fait un bien immense par-delà ce que sous-tend le titre lui-même. Il s’agit d’un dialogue entre la rédactrice en chef du magazine Le Pèlerin et l’auteur de nombreux ouvrages, dont le dernier en date, Les Vertueux.
Comment ne pas être impressionné quand on lit qu’il aura été placé dans une école miliaire à l’âge de… 9 ans ! Finie l’enfance, finie la chaleur familiale… S’ensuivront 36 années de carrière militaire pour quelqu’un qui était d’abord et avant tout sensible à… l’écriture. Contraste saisissant entre sa vie douloureuse et sa réalisation d’écrivain sous un nom d’emprunt à l’être cher. Écouter Yasmina Khadra est un bonheur, tant il nous apporte le sens du dépassement pour surmonter les épreuves de la vie. Je me régale aussi à l’écouter, subjugué par la malice de ses yeux par-delà l’adversité.
Le baiser et la morsure est riche de témoignages, dans un parcours hors sentiers balisés. On y puise des outils pour s’aider soi-même à relativiser, à mieux se situer. La vie n’est pas un fleuve tranquille, dit-on… Dans le désert non plus, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais que l’écriture est forte quand la flamme d’un Saharien peut se retrouver chez tout un chacun, quel que soit l’environnement et le mode de vie ! « Pour vivre heureux, il faut vivre vivre sans rancune » , dit-il (page 32) Quand on a fini de livre ce livre d’entretien, on se dit qu’il faut une grande force de caractère et un bel état d’âme.
Pour qui douterait de l’importance vitale de la lecture, une phrase : « J’ai compris très jeune que j’avais le pouvoir de transformer la déveine qui me suivait à la trace en douce d’énergie, de la transcender par la littérature. » (reprise en 4è de couverture) Lire, écrire, la source de survie est la même. Une oasis qui nous renvoie à nous-mêmes par l’ouverture aux autres.
Le baiser et la morsure nous fait aussi découvrir l’Histoire de tout un pays, l’Algérie, tout en nous permettant de mieux percevoir les enjeux d’aujourd’hui.
C’est aussi l’occasion de porter un regard sur la complexité des appartenances à l’échelle de la planète, dans un monde confronté encore aujourd’hui à d’immenses défis.
Henri Lafitte, Chroniques insulaires
26 décembre 2022
Yasmina Khadra, Le baiser et la morsure – Bayard – 2018 – ISBN : 978-2-227-49238-7