Metin Arditi, Prince d’orchestre

Un grand chef d’orchestre au faîte de sa renommée. Puis un grain de sable… Tout s’enraye. Prince d’orchestre, roman de Metin Arditi, nous saisit d’emblée. Chapitres condensés, phrases au couteau, dialogues percutants et révélateurs, le suspense est rapidement enclenché.

Aragon s’immisce dans ma lecture : « Rien n’est jamais acquis а l’homme, ni sa force / (…) / Et quand il croit serrer son bonheur il le broie »

Quel est ce grain de sable qui est venu broyer Alexis Kandilis, le chef d’orchestre mondialement reconnu ? Le hasard m’aura fait découvrir un romancier suisse qui sait tenir son lecteur en haleine.

Le suspense est relatif car tout prend corps au fil des pages dans l’écheveau d’une chute douloureuse, le récit s’étant ouvert d’une manière abrupte : « Le dimanche 15 août 1998, aux alentours de midi, un homme se défenestra… ». A cet instant précis je pense à L’étranger de Camus : « Aujourd’hui, maman est morte. » Avec le roman de Metin Arditi, nous prenons toute la dimension de ce qui tend vers la dépression. Qui peut prévoir les torrents soudains de la fragilité humaine quand survient une « blessure narcissique béante » ? Comme chez Meursault, dans L’Etranger de Camus, l’innocence n’existe pas. Celui qui orchestrait la beauté tombe dans une déchéance qui l’amène à des actes irréparables.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

1er février 2023

Metin Arditi, Prince d’orchestre – Actes Sud 2012 – ISBN : 978-2-330-01328-8