Polina Panassenko, Tenir sa langue

Dans un contexte de confrontation entre Ukraine et Russie, lire Tenir sa langue, premier roman de Polina Panassenko, nous permet d’échapper au formatage facile des propagandes binaires. J’avais écouté l’auteure avec attention lors d’une émission de La Grande Librairie.

Immigrée en France, francisée en Pauline, la narratrice cherche, adulte, à retrouver son prénom d’origine, Polina. Il est là une démarche qui nous entraîne sur les sentiers de ce qui modèle un être humain.

Polina est petite enfant et vit du jour au lendemain la fin de l’URSS ; elle se réveille dans un nouveau pays, la Russie. Sans doute est-il important de se souvenir que cet événement historique s’est fait dans la douleur. Nous le vivons ici avec des termes simples, grâce à une écriture alerte, captivante, de chair et d’âme. 

La voilà en maternelle à Saint-Etienne ; elle ne comprend pas un mot. L’auteure nous traduit cette transition dans une vie nouvelle avec une grande finesse ; on devient soi-même enfant. Il est en l’occurrence une subtilité d’écriture qui nous captive. On suit le cheminement en âge et apprentissage d’une langue nouvelle, dans le rapport aux origines. Les pages sont poignantes de sensibilité. 

On retient son souffle jusqu’à la dernière page. Le Verbe se fait chair et passerelle ; le roman est une belle réussite.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

25 février 2023

Polina Panassenko, Tenir sa langue – Editions de l’Olivier – 2022 – ISBN : 987-2-8236-1959-1