À l’échelle du temps…

La population de l’archipel continue de diminuer : 5925 habitants, dont 5340 à Saint-Pierre et 585 à Miquelon, composent la population qui réside sur l’archipel selon les résultats de 2020 de l’INSEE. (Pour rappel, la population était de 6314 résidents en 2009, dont 5699 à Saint-Pierre et 615 à Miquelon) Une baisse de 389 résidents en onze ans.

Recensement20092020Evolution
Saint-Pierre56995340-359
Miquelon 615 585– 30
Archipel63145925-389

À cela s’ajoute une modification profonde de sa composition qui se poursuit, sous l’effet du vieillissement et du taux de mortalité (le nombre de décès depuis début janvier 2023 est révélateur), de la faible natalité, des migrations et du tissu économique bouleversé depuis la fin de la grand pêche. 

Quelle sera l’évolution des repères ?

Il est pourtant dans l’imaginaire un profond attachement au… rocher.

Que veut dire au fond être attaché à Saint-Pierre et Miquelon, à l’archipel comme on le synthétise ?

Ne l’oublions pas, les îles nous précèdent. Nous sommes les descendants de nouveaux arrivants à un moment de l’histoire et ce mouvement se poursuit, sous d’autres formes.

Les îles ont une force tectonique qui nous dépasse ; elles impriment un sceau à ceux qui y vivent. Quand j’écris la chanson « Pas à vendre » le non à la dissolution de notre identité ne se limite pas à la prise de position d’un individu mais vient du tréfonds de l’archipel lui-même chez ceux qui y résident ou qui dans leur exil vibrent de leurs fibres premières.

Passent les vivants, changent les repères. Il est tant d’évidences essentielles qui sombrent dans l’oubli quand leurs porteurs se sont eux-mêmes évanouis. Comment ne pas méditer sur des patronymes aujourd’hui effacés ! En quoi se reconnaissaient-ils ? Les mots eux-mêmes changent, s’estompent, disparaissent, remplacés par d’autres. 

Le substantif, plutôt récent dans son emploi local, de « patrimoine » ne suffit pas pour définir les repères de demain à ceux qui à leur tour auront un attachement indélébile à ces îles subarctiques, devenues françaises dans une des pages du Nouveau Monde ainsi appelé dans les livres d’Histoire. Tout évolue et le non-dit des mots aussi.

Nous sommes à un tournant dans le mouvement des différentes composantes de la population si tant est qu’il y ait eu apparence d’une certaine stabilité. « Ô temps, suspends ton vol ! » s’écriait Lamartine. Quels seront les points d’accroche des résidents de demain alors que s’achève le premier quart du XXIe siècle ? 

« Des roches ciselées d’un burin subarctique / Sur un fond bleu de nuit qu’on voudrait le fixer… ». Ainsi débute ma Rêverie au Cap à l’Aigle. Rencontre entre deux échelles du temps.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

15 mars 2023