D’Gé… et laisser trace

La première chose qui capte l’attention de l’auditeur, c’est la qualité de la mise en forme musicale et de l’enregistrement, dans une démarche plus assurée du fait de l’expérience, rassurée sans doute également, dans ce cheminement d’un artiste qui conserve toute sa fraîcheur et son intégrité. Interrogation face à la vie, en ouverture, dans « Le Petit d’Homme », D’Gé reste lui-même, plus d’un an après la belle aventure des Francofolies de La Rochelle, en 2005 : « Pour aller plus haut / Je briserai mon ego / Pour vivre à nouveau / La folie des francos ». Tant d’artistes oublient qu’on n’a guère plus que l’apparence de l’existence quand on fourgue la sincérité. Continuité musicale également dans « Joue tzigane », l’auteur bénéficiant du soutien de grande qualité du guitariste Eric Poitras : « Que ferais-je sans toi ? » d’écrire l’auteur en 4è de couverture d’une superbe pochette nourrie des photos de Jean-Christophe L’Espagnol, grand maître ès objectif. La réalisation porte l’amitié de tous ceux qui l’entourent dans une nouvelle exploration enregistrée dans le studio du luthier Pierre Salomon – ses guitares auront même été de la portée -, route de la Pointe blanche… Tiens, je me mets à rêver à la pointe d’un tel stylo… Rythmes à dominante jazzy, voire manouches, tout au long de cet opus pour un regard contemporain sans complaisance : « Il y a dans ma vie / Des valeurs intouchables / Où l’amitié profit / Est dommageable ». Pas de concessions suite à la visite, rue Oudinot, d’un haut lieu de la puissance, pour qui est d’Outre-Mer : « Moi j’ai envie de m’enfuir / Car dans ce monde de vauriens / Mon idéal ne vaut rien ». On a beau être insulaire, impossible de rester indifférent à ce qui se passe dans le monde et la chanson permet de trouver un nouveau souffle, encore, toujours, en dépit de tout : « Alors je chante ». Car l’écriture, cet instrument merveilleux, permet de se reconstruire, d’échapper aux griffes de la vie, comme l’évoque la ballade, à mi-parcours de l’album : « Elle écrit…. « ses rêves si fragiles ». Ce nouveau CD s’écoute dans une belle continuité thématique et – pourquoi pas? -, livret en main, un livret bien agencé dans sa présentation, pour un plaisir conjoint de l’oreille et du regard. Cette huitième chanson nous laisse comme en suspens, sur ses notes finales, avant que la suivante nous reprenne dans une avancée plus balancée : « Pour vivre, survivre », tout simplement.

Le deuxième album de D’Gé se nourrit donc de la première expérience ; il fallait « prendre place ». Cette fois, ne s’agit-il pas, comme le Petit Poucet, de laisser quelque trace singulière ? D’Gé… et laisser trace », lit-on en première de couverture. Ici, comme ailleurs, il faut se battre, réagir, s’assumer : « Réveille-toi », clame l’artiste, « et redeviens le roi / Sur les chemins de ton destin ».

Faut-il le dissimuler ? Les cordes qui nous lient dans la continuité de l’écriture ont vibré dans une chanson construite sur les mots repères d’une autre aventure, celle que j’aurai vécue sur les sillons d’une perpétuelle quête. Je te salue D’Gé et va ce beau chemin qui enchante nos fibres insulaires, quels que soient « les « Tiques de la République » ! « Putain de merde / Il me faut une chanson » t’écries-tu à force de ne plus supporter l’insupportable d’un monde en folie ? Là est le sens de ce qui anime l’écriture. « Créer », comme l’aura écrit Georges Chelon, pour un « Hymne à la différence » soutenu par les enfants, notre raison d’espérer. Programme enchanté, certes, enchanteur aussi, qu’il est bon de porter avec toi… en chantant.

Henri Lafitte, Chroniques musicales
30 novembre 2006

Nouveau CD – D’Gé, … et laisser trace – D’Gé 2006

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