Chronique du 31 mars 2008

Tout va bien. Ce matin, j’ai grappillé quelques minutes, faute de miches à glaner. Celles de chez le boulanger, bref, de chez Girardin, vu que c’est fermé pour six semaines au moins. Flûte ! t’exclameras-tu, et je te comprends, De quoi avoir les boules, en compensation. Ah ! Marcher à la baguette ! gémiront les militaires, ou les nostalgiques du « bon » vieux temps. J’écris, donc, ça ne mange pas de pain. Fais-moi un bec, soupirera ta compagne, Et tu cavaleras, bonne pâte, à la boulangerie concurrente, Chez Beck ! Oh ! Ce n’est pas toujours dimanche à hors lit. À Saint-Pierre l’on est trop rivé à son pétrin. Qu’importe ! Le quotidien des espoirs plombés te roulera, quoi qu’il en soit, dans la farine ; tu le sais ; tu l’acceptes ; tu vis sous Sarkozy II (ah ! Tu ne l’avais pas remarqué ?). Faute de pain, le soir, à la télé, tu auras au moins les jeux, Et les oiseaux, loin de ces affaires bassement humaines, de chanter « Cui-cui »…

Le soir viendra – c’est dans la poche -, tu goberas un croissant de lune, en mettant ta brioche au chaud, la tête dans le sac, évidemment. Au risque de faire un four, mais tu n’as pas les miches pour autant.

Pendant ce temps, l’île flotte toujours sur ses blancs en neige.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
31 mars 2008