Chronique du 9 juin 2011

Que je te nous situe dans la mélasse qui nous englue, ô petite fleur aux pétales en liquette. D’abord, tu l’admettras, il y a la grisaille visqueuse persistante qui estompe toutes nos rêveries potentielles de couleurs printanières. Ajoutes-y nos usines de pêche en rade. Peut-être auras-tu saisi, en ce qui touche à Saint-Pierre, que le suivi de maintenance de l’entreprise de pêche liquidée risque d’avoir un étrange goût d’ammoniac.

Dans ce climat de déliquescence où tout semble partir en bottes, il nous restait « Les Pêcheries Paturel » agrémenté d’un nom pluriel, histoire de donner un petit goût du large à nos marées de cabane. Par ici le homard de saison pour éclairer nos assiettes. Patatras ! Notre fournisseur de fuel a pollué l’eau de la rade. Plus d’eau fiable dans les pompes et l’usine rescapée de se trouver soudain dans une nasse sans filet, c’est te dire. Certes, la préfecture a mis l’entreprise polluante en demeure de dépolluer. Pas si méchant, a-t-on pu entendre répondre. Mais qui – en passant – est en situation de juger de la gravité ?

Notre journal télévisé du 8 juin 2011 aurait pu nous laisser souffler. Que nenni ! Impossible de détruire nos ordures à cause des vents qui n’en finissent plus de souffler à la dump du suète (ou du suète à la dump, comme tu veux). De quoi en faire une montagne pour une nuée de goélands affamés, je te jure. On aurait pu se consoler avec les primeurs de l’impossible, celui que quelques courageux défient sous serres, avec salades, tomates et fleurs à dilater nos pupilles et papilles en état de manque. Foutre de Dieu ! Tout se met à pourrir sous les abris privés de soleil et l’entreprise de nos résurgences légumières de se trouver en péril. Et j’oubliais la saison touristique, à Miquelon, aux horizons qui demandent quelques éclaircissements à user les coudes autour de tapis verts synthétiques pour plusieurs années, je te le dis.

Fog partout !, me suis-je exclamé par peur d’être enrhubé. Cumule us et coutumes, et ce n’est pas demain, en pensant à une chanson de mes vertes années, que le soleil dira bonjour aux montagnes.

Henri Lafitte, Chroniques insulaires
9 juin 2011