Didier Daeninckx, Missak

Te trouver dans la peau d’un journaliste d’investigation, exaltant non ? Tu te plonges dans Missak de Didier Daeninckx et c’est parti. « Bonjour, je m’appelle Louis Dragère, je suis journaliste à l’Humanité et j’appelle de la part du secrétariat de M. Jacques Duclos… Je voudrais parler à M. Louis Aragon, à propos de Missak Manouchian… » (p.44) Tu seras en haleine jusqu’au bout, je te l’assure en côtoyant des personnalités fortes dans un roman terriblement réaliste, construit sur la base de faits dûment vérifiés.

Missak Manouchian, poète et journaliste, résistant arménien, tué à l’âge de 37 ans au Mont Valérien dans les Hauts-de-Seine par les forces d’occupation allemande le 21 février 1944. À ton tour de plonger dans des pages sombres de notre Histoire où résonnent d’étranges échos jusqu’à une actualité récente. La famille de Missak Manouchian vivait en paix dans une région de tendre douceur en Turquie ; elle aura soudain été victime du génocide de 1915 ; le jeune Missak Manouchian échappera à l’extermination voulue par les Turcs et migrera… en France. Syrie, Turquie, des centaines de milliers de morts, migrations… Terribles réminiscences…

Didier Daeninckx a le sens aigu du rythme, du suspense ; son récit est alerte, extrêmement bien documenté, thriller et réalité étroitement imbriqués. La curiosité du lecteur est sans cesse en éveil : entrouvrir un pan du parcours de Charles Aznavour, l’implication de son père dans la résistance ; partir à la rencontre d’un trotskiste inattendu ; toucher la complexité des engagements communistes… ; les surprises ne manquent pas. Expérience hors du commun de se trouver dans la peau d’un journaliste de l’Humanité et toucher du doigt l’impensable. Passionnant, tout simplement.

Je me revois, attentif à l’auteur, au Memorial de Caen. C’était le dimanche 8 novembre 2015. Captivant. Une invite à comprendre l’insaisissable. Une amplitude dans l’interaction entre journalisme et exploration d’historien. J’étais retourné, conquis. La lecture de Missak aura corroboré cette forte impression, pris en tant que lecteur dans une intrigue à forte connotation policière – Didier Daeninckx est expert sur le registre du roman policier – ; en témoigne cette simple phrase pour camper une ambiance : « La traction vint se garer devant les murs d’enceinte, devant les cheminées qui crachaient des fumées lumineuses dans un ciel bas.» (p.222)

En ressort une approche sans concession de l’âme humaine, dans sa beauté et son horreur. Et l’habit qui ne fait jamais le moine. Et le regard que l’on peut porter sur les tumultes d’aujourd’hui.

Émotion garantie jusqu’à la dernière page.

Henri Lafitte, 26 novembre 2015

Didier Daeninckx, Missak, Perrin, 2009 – ISBN : 978-2-262-02802-2

Une réflexion sur “Didier Daeninckx, Missak

Commentaires clos.