Stefan Zweig, Le monde d’hier

Le monde est en proie à des affres qui nous dépassent. Disons tout au moins que l’assoupissement qui nous étreint pourrait nous asservir à la fatalité. Face à face exacerbé entre deux fous inquiétants, arme nucléaire au bout du doigt, montée des nationalismes, replis sur soi, peur de l’autre, nous avons l’embarras du choix quant aux sources d’inquiétude…

Une amie m’aura conseillé à bon escient de lire Le monde d’hier de Stefan Zweig. La vie n’est-elle pas un cheminement où tout à coup un geste tout simple fait sens, comme celui d’ouvrir un livre, publié il y a déjà si longtemps, en 1944 ?

Stefan Zweig, émigré au Brésil, rédige en 1941 alors que le monde est emporté dans un tourbillon de fureur, un ouvrage autobiographique, de sa jeunesse en Autriche fin du XIXè au début du deuxième conflit mondial.

Parallèle saisissant qui t’étreint soudain entre l’évocation qu’il fait de sa jeunesse, dans la période qui précède la première guerre mondiale, dans le prolongement de quarante années de paix et de progression accélérée dans de nombreux domaines, têtes tournées vers l’espoir et ma soixantaine d’années de cheminement dans un contexte où la guerre aura été une réalité virtuelle (adjectif si troublant), éloignée de ma vie insulaire. J’aurai connu à mon tour l’espoir renouvelé dans mes vertes années des « trente glorieuses », espoir de plus en plus bousculé aujourd’hui par de grandes incertitudes à l’échelle planétaire. Certes je me souviens que planait sur mon adolescence pourtant insulaire le spectre de la guerre nucléaire ; mais l’insouciance l’emportait ; la révolte de mai 1968 ouvrait des horizons nouveaux que je découvrais un an après en arrivant pour la première fois « en France ». Aujourd’hui, les conflits nucléaires possibles sont à nouveau à l’ordre du jour, le terrorisme s’est amplifié et surtout la planète elle-même est en grand danger pour ce qui est en corrélation avec notre propre existence en tant qu’espèce animale.

Lire Le monde d’hier de Stefan Zweig ouvre les fenêtres d’une saine réflexion sur ce que nous vivons aujourd’hui. Comment surmonter, tourné vers l’espoir dans l’humanité, l’entrechoquement dans la pensée de ces étendues de verdure un jour de farniente sous le soleil et les terribles témoignages des enfers sans cesse renouvelés ?

Il est des phrases qui frappent, dont celle-ci écrite en… 1941 : « En temps de catastrophes, les générations antérieures pouvaient se réfugier dans la solitude et la retraite ; il nous était réservé, à nous, de savoir et d’éprouver à l’heure, à la seconde même, tout ce qui se passe de pire à la surface de notre planète. » (p. 465)

Quelle interpellation de la conscience alors qu’au moment où j’écris ces lignes le terrorisme vient de frapper une fois de plus, en Catalogne cette fois !

Henri Lafitte, Chroniques insulaires

16 août 2017

Stefan Zweig, Le monde d’hier – Le livre de poche – ISBN : 978-2-253-10040-5